Après plusieurs mois de silence, le verdict pour les crimes commis à Mutarule a enfin été rendu public. Le massacre commis en 2014 contre les villageois a été qualifié de crime contre l’humanité et les victimes recevront des compensations financières.

Près d’une centaine de victimes auront participé au procès, dont quatre-vingt-treize représentées par des avocats coachés par TRIAL International. Après des audiences sous haute tension en août 2016, la Cour militaire du Sud Kivu a rendu public son verdict la semaine dernière, reconnaissant que des crimes contre l’humanité ont été commis à Mutarule.

Malgré cela, aucun des trois prévenus n’a été condamné pour crimes contre l’humanité. L’un des prévenus a été acquitté. Un autre, M. Sheria, présumé chef d’un groupe armé, a écopé de 15 ans de prison pour détention illégale d’arme de guerre – mais pas pour sa participation directe au massacre du 6 juin, qui selon la Cour n’a pas été prouvée. Le troisième prévenu, le Major Kayumba, représentant de l’armée congolaise,  a été condamné à 10 ans de prison pour violation de consignes.

 

La responsabilité de l’Etat engagée

La Cour a toutefois reconnu que l’inaction du Major Kayumba a facilité la commission du massacre : « C’est suite au manquement et défaillance de commandement, de coordination, de prévision, et d’anticipation de Kayumba qu’il y a eu des massacres à Mutarule ». En conséquence, l’Etat congolais a été tenu de payer à toutes les victimes des réparations. Elles s’élèvent entre 3 000 et 60 000 USD, selon les préjudices subis.

TRIAL International salue cette décision, qui doit maintenant être suivie d’effets. Les victimes sont elles aussi dans l’attente d’actions concrètes : « Les réparations sont une reconnaissance de nos droits et de notre dignité », explique l’une d’elle, qui souhaite rester anonyme. « Le verdict est positif, mais elle ne nous sera d’aucune utilité si elle n’est pas appliquée. »

 

L’impunité demeure ?

Le verdict de Mutarule aura eu ceci d’inhabituel que de voir la Cour reconnaître la commission de crimes contre l’humanité à Mutarule, sans pour autant qu’un seul accusé ne soit condamné pour ces crimes. Or, si la Cour ne condamne personne pour ces crimes atroces, cela laisse entendre que les responsables demeurent impunis.

« L’Etat doit se donner les moyens d’identifier et de poursuivre les responsables, qui doivent répondre de leurs actes. », conclut Daniele Perissi, responsable du programme RDC de TRIAL.

Le 12 juin 2018, la Haute Cour militaire a instruit l’appel de l’affaire à Bukavu.

En savoir plus sur le massacre de Mutarule
En savoir plus sur le déroulement du procès

 

Le Mexique a peu avancé depuis que le Comité des disparitions forcées a émis ses recommandations en 2015.

Le temps passe et les familles des personnes disparues n’ont aucun mécanisme efficace vers lequel se tourner pour avoir des nouvelles de leurs proches.  En février 2015, le Comité des disparitions forcées des Nations Unies (CED) a formulé une liste de recommandations afin de s’attaquer à ce qu’il nomme « un contexte de disparitions généralisées sur une grande partie du territoire de l’État ». Jusqu’ici, la mise en application de ces recommandations est loin d’être satisfaisante.

Le CED a identifié entre autres priorités la création d’un registre national unifié des personnes disparues, la mise en place d’un mécanisme transnational effectif visant à empêcher et à éradiquer la pratique des disparitions forcées, l’adoption de mesures adéquates pour la recherche, la localisation et la libération des personnes disparues, et, en cas de décès de ces personnes, la localisation, le respect et le renvoi des corps aux familles.

Un an plus tard, TRIAL International et ses partenaires ont déjà tiré la sonnette d’alarme sur l’absence de mise en œuvre des recommandations. Le CED a partagé ce constat, estimant que le Mexique n’avait pas fait suffisamment pour lutter contre les disparitions forcées.

 

Deux ans plus tard, rien n’a vraiment changé

Le 15 février 2017, TRIAL International et deux ONG mexicaines ont soumis au CED un nouveau rapport de suivi. Les conclusions sont tristement similaires à celles de l’an passé : aucun registre national n’a été mis en place, les mécanismes créés pour faire face aux disparitions forcées se heurtent à des obstacles pratiques et la recherche des personnes disparues demeure déficiente et extrêmement lente.

Or, il y a peu de chance que le Mexique résolve la situation bientôt ; son manque de volonté politique est évident. Mais le CED est également responsable : face à l’inertie du Mexique, il doit user de moyens plus audacieux pour pousser le gouvernement à agir, par exemple en organisant une visite dans le pays ou en y référant à l’Assemblée générale de l’ONU.

Lire le rapport de suivi complet (en espagnol)

Lire le résumé (en anglais)

 

 
D’importantes victoires ont été remportées dans la lutte pour le droit des victimes à obtenir réparation. Malheureusement, ce droit n’est pas appliqué uniformément dans l’ensemble du pays.

Il y a 18 mois, Ana B. a été la première victime à obtenir réparation dans le cadre d’une procédure pénale. Cette décision sans précédent a ouvert la voie à d’autres survivants: depuis, quatre affaires supplémentaires ont entériné cette pratique devant la Cour de Bosnie-Herzégovine.

Malheureusement, les juridictions inférieures tardent à suivre l’exemple. Si TRIAL peut se féliciter d’un précédent (devant le Tribunal de Doboj, en septembre 2016), la prise de conscience peine encore à se généraliser.

« Les victimes devraient être en mesure de faire respecter leur droit à des réparations partout, quel que soit le lieu où elle saisisse la justice, » a déclaré Adrijana Hanusic Becirovic, conseillère juridique à TRIAL International. « Il est crucial que les juridictions au sein des deux entités de Bosnie-Herzégovine reprennent le précédent que nous avons établi, sinon il y aura deux poids, deux mesures et les inégalités de traitement perdureront. »

 

Procédures judiciaires stratégiques et plaidoyer

Dans le but de faciliter l’accès de toutes les victimes à des réparations, TRIAL mêle procédures judiciaires stratégiques et plaidoyer. D’une part, l’ONG a porté deux affaires devant des juridictions au niveau des entités (la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la Repbulika Srpska respectivement). D’autre part, elle organise une série de rencontres avec les membres de la profession juridique afin de les sensibiliser au sujet.

Cette semaine, une table ronde a été organisée à Doboj. Les experts invités étaient la conseillère juridique de TRIAL Adrijana Hanusic Becirovic, le procureur Milanko Kajganic, le juge Izudin Berberovic et la chef du Bureau d’assistance aux victimes Alma Taso Deljkovic.

Parmi les auditeurs figuraient des juges, des procureurs des tribunaux de degré inférieur, des représentants de l’OSCE en Bosnie-Herzégovine et de diverses ONG. L’événement a été couvert par les médias locaux.

Le juge Izudin Berberovic, qui a participé à la table ronde, a conclu : « Il est très important que les juges et les procureurs soient sensibilisés à cet aspect du droit des victimes. »

Pour mieux comprendre l’importance de la compensation dans la procédure pénale, cliquez ici.

 

Déclaration publique

Seulement 24 mois après leur ouverture, les mécanismes de justice transitionnelle (JT) au Népal risquaient une fermeture pure et simple. TRIAL International, REDRESS, HimRights, Advocacy Forum, JuRI-Nepal et Discharged People’s Liberation Army Nepal saluent l’extension d’un an de leur mandat, mais demandent que celle-ci s’accompagne de clarifications légales et des garanties contre l’ingérence politique.

Avant même de voir le jour, les mécanismes népalais de JT ont fait l’objet de retards, d’interférences politiques et de processus viciés. Contrairement à ce que prévoyait l’Accord de paix de 2006, il aura fallu neuf ans pour que la Commission Vérité et Réconciliation (TRC) et la Commission d’enquête sur les disparitions forcées (CIEDP) deviennent réalité. Et pourtant, elles étaient censées compléter leur mission titanesque en seulement deux ans.

A elles deux, la TRC et la CIEDP ont reçu plus de 61 000 plaintes pour des violations commises pendant le conflit armé. Mais des défaillances structurelles ont entravé leur travail depuis le début : une absence de consultation avec les victimes, des lacunes dans le cadre juridique, des ressources insuffisantes et trop peu de soutien du gouvernement. Sans surprise, ni la TRC ni la CIEDP ne sont près d’achever leur mission.

A vrai dire, le plus gros de leur travail reste à faire : pour le moment, seules des règles internes ont été adoptées. Aucune enquête n’a été menée, aucune affaire n’a été déférée et aucun rapport n’a été publié.

Malgré ces insuffisances, la TRC et la CIEDP restent le meilleur espoir des victimes pour accéder à la vérité et aux réparations. Les dizaines de milliers d’entre elles qui ont déposé une plainte (en dépit de nombreux obstacles) doivent être entendues.

Une décision positive mais insuffisante

La décision du gouvernement d’étendre de 12 mois le mandat des mécanismes, prise le 9 février, est une avancée positive. Mais pour qu’elle porte des fruits, elle doit aller de pair avec des amendements légaux : la pénalisation et l’application rétroactive des crimes de torture, disparition forcée et usage et recrutement d’enfants soldats ; et la suppression de délais de prescription pour viol, meurtre et actes de torture. Des ambiguïtés quant au lien entre la justice pénale et les mécanismes de TJ doivent également être levées. Ces changements devront être mis en œuvre de concert avec les principaux intéressés, notamment les victimes et la société civile.

Les mécanismes devront aussi clarifier leurs processus et politiques internes : selon quels critères les affaires seront-elles déférées ? Quelles mesures seront prises pour éviter l’ingérence politique ? Comment les réparations seront-elles distribuées et à qui ? Comment les victimes seront-elles protégées d’éventuelles représailles ?

L’extension du mandat des mécanismes offre un court répit aux victimes. Dans leur intérêt, tous les acteurs politiques doivent à présent s’unir pour bâtir enfin un système de justice transitionnelle crédible.

Les signataires :
TRIAL International
REDRESS
HimRights
Advocacy Forum
JuRI-Nepal (Justice and Rights Institute-Nepal)
Discharged People’s Liberation Army Nepal

 
Caritas a été violée à l’âge de 10 ans. Fait inhabituel au Burundi, un procès a eu lieu… sous des auspices malheureusement peu favorables. 

 

Les faits

Au Burundi, la tenue d’un procès contre un militaire est suffisamment rare pour être saluée. Généralement, l’impunité des hommes en uniforme est totale. Sans doute les faits étaient-ils trop accablants pour fermer les yeux : une mineure violée, un accusé prise en flagrant délit, de nombreux témoins…

Une fois n’est pas coutume, la machine juridique s’est donc mise en marche. En 6 ans de travail sur le pays, c’est la première fois qu’une affaire menée par TRIAL aboutit à un procès au niveau national. Vu l’inertie de la justice burundaise, les affaires de TRIAL sont le plus souvent portées devant des instances régionales ou onusiennes.

« Le dossier a été bien instruit par la police et le parquet », se félicite Me B.N., avocat formé par TRIAL International et représentant légal de la victime. « Nous avions bon espoir que Caritas (nom d’emprunt) obtiendrait justice. »

L’optimisme a malheureusement été de courte durée. Dès l’ouverture du procès, les irrégularités se sont multipliées.

 

Procédure

Entre autres anomalies, Me B.N. s’est vu retiré la parole à maintes reprises lorsqu’il a voulu appuyer les allégations du Ministère Public.  Quand il a demandé au juge de poser certaines questions au prévenu et aux témoins à décharge, le juge a refusé, promettant que des observations pourraient être présentées à la fin. Une promesse qui n’a pas été honorée.

Pire encore, des concertations ont eu lieu entre deux témoins à décharge et le prévenu. Après avoir été entendu, le témoin X s’est concerté hors de la salle d’audience avec le témoin Y, également à décharge. C’est seulement après que ce dernier s’est exprimé devant les juges. De même, le témoin Y a pu discuter en pleine audience avec le prévenu. Ces pratiques nuisent gravement à l’établissement des faits, puisqu’accusé et témoins peuvent alors harmoniser leurs récits.

« Malgré notre signalement, les juges ont minimisé ce geste. Le témoin et le prévenu ont quand même été entendus : tous deux ont donné une nouvelle version des faits. Tout cela est arrivé devant les yeux des juges », s’étonne Me B.N.

 

Décision

Malgré les irrégularités de procédure, TRIAL espère que le verdict donnera raison à la jeune victime et punira le responsable. Il est grand temps que la justice burundaise prenne fermement position contre les exactions des militaires.

« Caritas a seulement 10 ans. Elle mérite d’obtenir justice et réparation », dit Pamela Capizzi, conseillère juridique en charge du projet Burundi de TRIAL International. « Si le système judiciaire burundais n’est pas capable de répondre au besoin de justice de la petite Caritas, il ne mérite pas non plus d’être appelé comme tel ».

Le verdict est attendu dans les prochaines semaines.

 

Il aura fallu des années de lobbying et une décision des Nations Unies pour qu’Alma M. puisse faire valoir ses droits, et recevoir une reconnaissance concrète de ses souffrances.

Qu’y-a-t-il de pire que la disparition forcée d’un être aimé ? Que cette situation soit suivie de vingt ans d’incertitude, et du sentiment d’être abandonnée par les autorités. C’est ce qu’a vécu Alma M. (pseudonyme) en Bosnie-Herzégovine.

Son mari a été victime de disparition forcée alors qu’il était militaire. Sa famille l’a vu pour la dernière fois en août 1992. Ils n’ont jamais su ce qui lui était arrivé. Maintenant, leur droit à des compensations a enfin été reconnu.

Pour la première fois depuis plus de 20 ans, Alma M. a reçu l’allocation des familles de disparus. Le terme d’une bataille juridique longue et ardue.

 

Des obsèques et des dédommagements financiers

Cela faisait des années qu’Alma M. se heurtait à une bureaucratie kafkaïenne quand elle a sollicité l’aide de TRIAL. Ensemble, ils ont porté l’affaire devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU (CDH).

En 2015, le Comité a recommandé à la Bosnie-Herzégovine d’établir la vérité sur la disparition du mari d’Alma, de dédommager son épouse convenablement et de mener les coupables en justice. Malheureusement, les décisions du CDH ne sont pas juridiquement contraignantes (on parle d’ailleurs de « recommandations »). Des démarches de lobbying auprès du gouvernement bosnien ont donc continué pendant des mois. TRIAL est resté aux côtés d’Alma M. tout au long de ces démarches.

Progressivement, la vie de la veuve s’est améliorée. L’année dernière, le corps de son mari a été trouvé près de Sarajevo. Des obsèques dignes de ce nom ont enfin été organisées, offrant à sa famille un lieu de recueillement.

L’allocation mensuelle à laquelle ont droit les familles des personnes disparues est une reconnaissance concrète des injustices que la famille a endurées. Celle-ci permettra à Alma M. de se sortir d’une situation financière précaire.

 

Décisions des Nations Unies : des tigres de papier ?

Les mesures dont a bénéficié Alma M. sont un grand pas un avant, mais la bataille n’est pas terminée. En effet, le Comité a recommandé son dédommagement, mais aussi que les assassins de son mari soient portés devant la justice. Or, ils courent aujourd’hui dans la plus totale impunité.

TRIAL international enjoint la Bosnie-Herzégovine à mettre en œuvre toutes les recommandations du CDH, non seulement dans le cas d’Alma M., mais aussi des onze autres familles qui attendent de voir ces mesures se concrétiser.

En savoir plus sur le travail de TRIAL pour la mise en œuvre des décisions du CDH.

 

Un op-ed de Daniele Perissi

Le calvaire des victimes de Lemera toucherait-il à sa fin ? Leur situation pourrait évoluer grâce à une autre affaire devant la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.

2009, dans le village de Lemera, au Sud-Kivu. Sept femmes, dont deux enceintes, sont violées par des soldats congolais.

Novembre 2014. L’ONG REDRESS soumet une plainte à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) au nom de la victime S.A., également violée par des soldats.

Quel est le rapport entre ces deux événements ? Etonnamment, l’affaire S.A. pourrait aider les victimes de Lemera – et bien d’autres – à obtenir réparations.

 

 

Faire la lumière sur les lacunes en RDC

Aujourd’hui, TRIAL a soumis un amicus curiae à la CADHP sur l’affaire S.A. Un amicus curiae (« ami de la cour ») est un document soumis par un expert ne faisant pas partie de la procédure, afin d’éclairer les juges dans leur décision.

Les situations de S.A. et de Lemera présentent de nombreux points communs : dans les deux cas, des femmes indigentes ont été violées par des membres de l’armée. Dans les deux cas, les tribunaux congolais ont accordé des réparations aux victimes. Et dans les deux cas, ces dernières n’ont pas touché un centime.

TRIAL a tout mis en œuvre en RDC pour que les réparations soient versées aux femmes de Lemera. Mais deux ans et des milliers de dollars plus tard, toutes les voies de recours sont épuisées et les victimes n’ont encore rien reçu. Leur dossier est bloqué au ministère de la Justice.

Cette expérience frustrante prouve l’impossibilité d’obtenir des compensations de l’Etat, même quand un juge en a ordonné le versement. Ce fait soutient la requête de REDRESS devant la Commission africaine.

 

Les réparations sont un droit, pas un privilège

Si la Commission africaine donne raison à S.A., cela constituerait une reconnaissance formelle des lacunes du système judiciaire congolais… ce qui inciterait les autorités à enfin compenser S.A. et les victimes de Lemera.

C’est la première fois que TRIAL soumet un amicus curiae, et celui-ci porte sur l’un des chevaux de bataille de l’organisation : l’accès aux réparations. Cette étape cruciale pour les victimes est trop souvent outrepassée, et ce constat est particulièrement vrai en RDC.

Aucune victime de violences sexuelles n’a jamais reçu de réparations : il est grand temps que S.A., les femmes de Lemera et toutes les autres victimes obtiennent enfin leur dû.

Daniele Perissi, responsable du programme RDC

 

Dans d’autres pays aussi, TRIAL lutte pour que les victimes obtiennent réparations. Lisez ici nos derniers succès en Bosnie-Herzégovine et au Népal

 

 

 

Un op-ed de Philip Grant

Les positions du Président Trump sur la torture vont à l’encontre de tout ce pour quoi TRIAL International se bat.

Dans une récente interview télévisée, le nouveau Président des Etats-Unis a ouvertement défendu l’usage de la torture contre des terroristes présumés. Faisant référence aux exactions de l’Etat Islamique, il a soutenu qu’il fallait « combattre le feu par le feu ». Et de conclure que le waterboarding (une méthode de torture simulant la noyade) contribuerait à la sécurité des Etats-Unis.

La garantie de M. Trump de circonscrire la torture « aux limites de ce qui est autorisé par la loi » n’est qu’une supercherie : la torture n’est jamais légale.

 

Une interdiction internationale absolue

Soutenir que la torture pourrait, dans certaines circonstances, être autorisée repose sur un dangereux présupposé : qu’elle pourrait être « modérée » ou « proportionnelle ». Il n’en est rien : la torture est la violation la plus profonde de l’intégrité physique et morale d’un individu. Son interdiction ne tolère pas de demi-mesure. En effet, si des maltraitances « mineures » était autorisées, où poser la limite ? Des scénarios dits « d’urgence absolue » justifieraient-ils des actes de torture ? Ces compromis nous mènent en eaux troubles et l’histoire regorge d’exemples de dérives.

C’est pour cela que la torture est totalement interdite dans de nombreux traités internationaux : la Convention contre la torture, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et les Conventions de Genève, pour ne citer que les plus connus. Les Etats-Unis sont parties aux trois.

Au-delà des traités internationaux, la torture est depuis longtemps considérée comme du jus cogens : un principe fondamental et impératif du droit international, sans dérogation possible. Ainsi, l’interdiction de la torture s’applique à tous les Etats, y compris ceux qui n’ont pas ratifié de traités dans ce sens.

Même si M. Trump retirait les Etats-Unis de tous les traités dont ils sont aujourd’hui parties, le fait demeurerait inchangé : la torture est illégale. Partout, en toute circonstance et envers qui que soit.

 

Les tortionnaires seront punis

TRIAL International lutte quotidiennement contre la torture et d’autres crimes internationaux, en s’assurant que les criminels sont portés devant la justice. L’arrestation récente de l’ex-ministre gambien Ousman Sonko prouve que ceux qui ont recours (ou qui autorisent) la torture peuvent être poursuivis et punis, peu importe leur rang.

En 2011, quand l’ancien Président des Etats-Unis George W. Bush a annoncé sa venue à Genève, TRIAL avait été contacté par des ONG qui défendaient les victimes de torture à Guantanamo. L’organisation a apporté son expertise juridique pour préparer une dénonciation pénale contre M. Bush, qui a annulé son voyage. Aujourd’hui comme hier, nous ne tolèrerons pas une justice à deux vitesses : M. Trump sera tenu responsable de ses actes.

J’espère sincèrement que le nouveau Président reviendra sur ses propos sur la torture. En attendant, les organisations de la société civile, à commencer par TRIAL, continueront de se battre pour les droits à la sécurité et l’intégrité. Nous ne cèderons pas à la peur et resterons fermement du côté de la justice.

Philip Grant, Directeur
@PhilipGrant40

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Sarajevo, 27 janvier 2017 – Aujourd’hui, l’ONG Trial International dépose une plainte auprès du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), au nom de la survivante d’un viol commis pendant la guerre. Dans la plainte, TRIAL International exige la poursuite pénale des coupables, la reconnaissance de la plaignante comme victime de guerre et l’octroi de réparations.

Après avoir été violée dans un village de Bosnie en 1995, la victime a immédiatement porté plainte à la police ; en 2009, elle a de nouveau rapporté le crime au Bureau du Procureur de Bosnie-Herzégovine. En outre, de nombreuses lettres demandant la poursuite des auteurs du crime ont été envoyées aux institutions judiciaires et policières. Mais à ce jour, aucun suspect n’a été identifié, et encore moins condamné pour ce crime. Aujourd’hui, TRIAL International saisit les Nations Unies afin que la survivante puisse enfin faire valoir ses droits.

« La Bosnie-Herzégovine doit reconnaitre sa responsabilité dans la violation des droits de la plaignante et présenter des excuses publiques. Par ailleurs, elle se doit de redresser la situation, notamment en initiant des procédures pénales à l’encontre des auteurs du viol », a déclaré Adrijana Hanušić Bećirović, conseillère juridique à TRIAL International.

Les nombreuses violations à la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes, décrites dans la plainte de TRIAL, reflètent l’incapacité systématique de la Bosnie-Herzégovine à protéger les droits de femmes ayant subis des violences sexuelles pendant la guerre.

La justice n’est pas à portée de main des victimes

De nombreuses autres survivantes de viols commis pendant la guerre attendent toujours que justice soit faite. Fait préoccupant, les lois sur la compensation financière des victimes de viols traite différemment les survivantes en fonction de leur lieu de résidence ; le cas susmentionné en est un parfait exemple. Non seulement la victime n’a pas pu obtenir justice, mais elle n’a pas non plus pu bénéficier d’une pension mensuelle ni d’autres formes de protection sociale.

Pour s’assurer que de telles violations ne se reproduisent pas, TRIAL International demande à la Bosnie-Herzégovine d’amender la législation existante afin que les survivantes de violences sexuelles aient le même accès à la protection sociale et aux mesures de réparation, indépendamment de leur lieu de résidence. Cette demande s’adresse tout particulièrement à la Republika Srpska (RS) qui doit prévoir une protection sociale particulière aux survivantes de violences sexuelles. La RS doit également allonger les délais de demandes de compensation ou d’autres formes d’indemnisations.

La plainte de TRIAL auprès du CEDAW vise également à mettre en place des dispositifs pour améliorer le statut des survivantes de viol, tels que la Stratégie de justice transitionnelle, le Programme pour l’amélioration du statut des survivants de violence sexuelle en temps de guerre, et la Loi sur les droits des victimes de torture.

Il est primordial d’améliorer l’accès des victimes à l’information sur les poursuites et les enquêtes en cours. Les membres du pouvoir judiciaire et du maintien de l’ordre public doivent en être pleinement conscients et agir en conséquence. La Bosnie-Herzégovine doit faire respecter les obligations internationales et s’engager à ce que les droits des survivantes soient tous respectés.

Genève, le 26 Janvier 2017 – Le dictateur Yahya Jammeh aura régné 20 ans sur la Gambie, durant lesquelles torture et exécutions extrajudiciaires étaient monnaie courante. Les autorités de poursuite suisses doivent maintenant déterminer si l’un de ses plus proches anciens collaborateurs, l’ancien ministre de l’Intérieur Ousman Sonko, a participé à ces crimes.

Depuis le début des années 2000, la communauté internationale n’a eu de cesse de dénoncer la brutalité du régime gambien. Nations Unies, ONG et cours régionales ont toutes fait état des nombreuses exactions des forces de l’ordre.

 L’un des hommes forts de ce régime, Ousman Sonko, se trouve actuellement en Suisse. Cet ancien ministre de l’Intérieur (2006 – 2016) dirigeait les forces de police et les lieux de détentions. Est-il possible que les violations répétées des droits humains aient échappé à son attention ?

« En tant que responsable des lieux de détentions, M. Sonko ne pouvait ignorer les tortures qui s’y pratiquaient à grande échelle contre les dissidents politiques, journalistes et défenseurs des droits humains » explique Bénédict de Moerloose, responsable du Département Droit pénal et enquêtes de TRIAL International.

Dénonciation pénale contre Ousman Sonko

Démis de ses fonctions le 16 septembre 2016, Ousman Sonko a fui la Gambie pour le Sénégal, puis la Suède, où sa demande d’asile a été rejetée. Il serait entré sur le territoire suisse le 10 novembre 2016, où il a également déposé une demande d’asile.

Alerté de sa présence, TRIAL International a déposé une dénonciation pénale auprès des autorités de poursuite bernoises le 25 janvier 2017. L’ONG demande, au regard des soupçons qui pèsent sur l’ancien ministre, l’ouverture rapide d’une procédure à son encontre pour faits de torture.

Arrestation et procédure

Les autorités de poursuites bernoises ont arrêté le suspect le 26 janvier 2017, conformément à la Convention contre la torture et le Code pénal suisse.

Suite à son interpellation, les autorités bernoises ont auditionné le prévenu et décidé de sa mise en détention préventive pour une durée de trois mois. Les charges pesant contre Ousman Sonko ont été requalifiées en crimes contre l’humanité et le dossier devrait être transféré au Ministère public de la confédération.

« Nous saluons l’arrestation du suspect et la réactivité des autorités », dit Philip Grant, Directeur de TRIAL International. « Nous espérons maintenant que l’autorité de poursuite compétente se donnera les moyens de mener l’enquête que mérite un cas de cette importance. »

A ce jour, les crimes du gouvernement Jammeh n’ont jamais été jugés, et les bourreaux jouissent d’une impunité totale. A l’heure où la Gambie se prépare à une transition démocratique, ces développements envoient un fort message d’espoir aux victimes.

Un op-ed de Pamela Capizzi

Le pays n’a montré aucun signe d’amélioration en 2016, pérennisant une situation délétère pour les droits humains.

Par définition, une crise est un état transitoire. Mais au Burundi, la « crise » dure depuis près de 2 ans et semble tout sauf transitoire. La répression généralisée est bien là pour durer.

En 2016, la situation politique au Burundi n’a montré aucun signe d’amélioration. Au contraire, les autorités burundaises se sont enferrés dans leurs positions et ont coupé progressivement les ponts avec la communauté internationale. Parmi les exemples les plus éclatants, citons la désertion de l’examen du Comité contre la torture et le retrait de la Cour pénale internationale.

Ces gestes politiques ont été accompagnés d’un rétrécissement considérable de l’espace démocratique déjà réduit. Après la suspension de nombreuses associations de la société civile fin 2015, le Burundi en a suspendues d’autres en 2016. Privée de leur assistance, les victimes d’abus se trouvent encore plus démunies.

Parallèlement, les médias indépendants ont été réduits au silence à coups de menaces et d’attaques. L’exode des journalistes et des défenseurs des droits humains n’a fait que s’amplifier : ils sont maintenant des dizaines à vivre en exil.

Les violations des droits humains sont à l’ordre du jour. Selon les plus récentes estimations de l’ONU, « plus d’un millier de personnes ont été tuées. Des milliers auraient été torturés, (…) des centaines de personnes auraient disparu, et des milliers auraient été illégalement détenus ».

Encore pire, ces violations demeurent largement impunies. Le Burundi ne poursuit ni les violations passées ni présentes. Dès lors, l’Etat est incapable de prévenir les abus futurs, condition pourtant nécessaire à un processus de paix et de justice transitionnelle.

TRIAL poursuit son action malgré tout

En 2016, TRIAL International a continué d’ébrécher la « culture d’impunité » prévalant au Burundi. 33 victimes directes ou familles de victimes ont été accompagnées gratuitement dans leur quête de justice. 54 avocats ont suivi des formations de TRIAL International sur les droits humains afin de faire face à cette crise.

Malgré les nombreux défis que cette situation engendre, notamment sur le plan sécuritaire, TRIAL poursuivra son action au Burundi. Ma propre expulsion du pays n’arrêtera certainement pas notre action : TRIAL restera fermement aux côté des victimes.

Pamela Capizzi, Conseillère juridique
@PamelaCap1

 

Des milliers de femmes à travers la Bosnie-Herzégovine sont encore aux prises avec les violences sexuelles dont elles ont été victimes pendant la guerre. TRIAL International a rencontré les professionnelles qui les aident à retrouver confiance en elles.

Dégradées, réifiées, déshumanisées. Ces mots reviennent régulièrement dans la bouche des victimes de violence sexuelle. Le traumatisme de la violence sexuelle en temps de guerre ne se limite pas à la souffrance physique, mais atteint les victimes dans leur dignité et dans leur personnalité. Selon la neuropsychiatre Alma Bravo Mehmedbasin, le caractère intime (et souvent tabou) des crimes à caractère sexuel constitue une torture à plusieurs niveaux. Les cicatrices qu’elle laisse sont aussi bien visibles qu’invisibles.

L’état de stress post traumatique (ESPT), qui se traduit par des insomnies, des sautes d’humeur, des difficultés de concentration ou une propension à la paranoïa, est souvent cité comme une conséquence directe des violences sexuelles. Cependant, pour Alma Taso Deljkovic et Tanja Tankosic, qui travaillent auprès des victimes à la Cour de Bosnie-Herzégovine, cette description est trop réductrice. « L’ESPT est la version allégée des traumatismes dont souffrent les victimes. Dans certains cas, nous assistons à un changement permanent de la personnalité. Le traumatisme peut même se propager à la génération suivante : nous avons rencontré des enfants de victimes présentant des troubles psychologiques majeurs. »

Le crime innommable

Malheureusement, ces problèmes sont rarement traités. Alma Bravo Mehmedbasic estime que la grande majorité des victimes n’ont jamais reçu d’accompagnement psychologique. Dans les zones rurales de Bosnie-Herzégovine, les services médicaux sont insuffisants. Et les victimes sont souvent incapables de se déplacer dans des centres urbains pour obtenir un traitement.

Il existe un autre facteur d’importance, plus pernicieux : le sentiment d’humiliation des victimes dû à la culture patriarcale du pays. Aleksandra Petric, de United Women Banja Luka relève qu’« en Bosnie, même si un viol a lieu en temps de paix, les victimes sont jugées coupables d’avoir provoqué ce type de crime. »

Besima Catic est psychothérapeute et travaille avec les victimes de violences sexuelles. Une partie importante de son travail consiste à aider les femmes à se libérer de leur culpabilité « Je leur explique que ce qui s’est produit était involontaire, que ce n’était pas de leur faute. Ce qui s’est passé est arrivé sans leur accord et elles ne devraient pas se sentir coupables. »

Cependant, le type d’accompagnement qu’offre Besima Catic est limité, et de nombreuses femmes n’en bénéficient pas, continuant à souffrir en silence.

 La justice aide à l’apaisement

Un élément permettant aux victimes d’aller de l’avant est d’obtenir justice, et plus particulièrement de voir leurs agresseurs punis.

Besima Catic considère cette aspiration que la plupart des individus partagent : « quand quelqu’un nous blesse, c’est normal de vouloir voir cette personne punie. Il s’agit d’une satisfaction nécessaire pour les victimes. La sanction leur donne le sentiment qu’un ordre moral a été rétabli. » De la même manière, la psychologue/psychothérapeute Teufika Ibrahimefendic croit que de voir leurs bourreaux répondre de leurs actes est une forme de guérison pour les victimes.

Ce processus reste néanmoins éprouvant psychologiquement. Tous les Tribunaux de Bosnie-Herzégovine ne fournissent pas aux victimes un soutien adéquat. Besima Catic et Teufika Ibrahimefendic ont observé qu’un que les victimes peuvent être re-traumatisées, notamment lorsqu’elles font face à leur agresseur, lors de l’examen contradictoire ou quand elles sont questionnées sur les détails de l’acte sexuel. D’après Catic, les femmes redeviennent alors les victimes qu’elles étaient au moment des faits.

Préparer les victimes à affronter leur passé

Teufika Ibrahimefendic accompagne régulièrement des survivants de la guerre. Elle souligne l’importance de répéter leur témoignage avant leur entrée au Tribunal. Pour les victimes de crimes sexuels, il est essentiel de raconter leur histoire dans un environnement rassurant avant qu’elles ne témoignent devant des inconnus. Ibrahimefendic a pu observer que les victimes qui ne sont pas préparées psychologiquement sont tétanisés en audience, incapables de trouver les mots pour décrire les actes qu’elles ont subis.

Pour cette raison, Ibrahimefendic travaille avec les victimes pour trouver le vocabulaire approprié en vue de témoigner devant un Tribunal. Elle considère que ce processus « aide les victimes à se sentir plus détendues au lieu de ressentir de la honte, de la culpabilité ou de la timidité, et leur permet de parler plus ouvertement de ce qu’elles ont vécu ».

Faciliter les procédures pour les victimes

En raison de l’extrême vulnérabilité de certaines victimes, il est essentiel de faciliter leur chemin vers la justice. C’est là qu’intervient l’expertise de TRIAL International.

La première étape consiste à sensibiliser les acteurs clés aux traumatismes dont peuvent souffrir les victimes. Les professionnels du droit ont des lacunes à ce sujet, et peuvent causer par inadvertance des souffrances inutiles aux victimes. C’est pour cela que TRIAL organise des formations sur aux standards internationaux des droits humains à destinations des procureurs, des juges et des avocats. Ces formations incluent notamment des informations sur les besoins psychologiques des survivants.

TRIAL International s’attaque également à d’autres difficultés d’ordre procédural ou liées aux coûts et à la sécurité. L’ONG plaide pour des amendements législatifs pour que toutes les victimes, même vulnérables ou isolées, puissent faire valoir leurs droits à la justice.

« En 10 années de présence dans le pays, nous avons été témoins de nombreuses améliorations et remporté d’importantes victoires » souligne Selma Korjenic, qui dirige le programme de TRIAL International en Bosnie-Herzégovine. « Mais la route sera encore longue avant que toutes les femmes puissent revendiquer leur droits et leur dignité. »

Lire le rapport complet : Compensating Survivors in Criminal Proceedings, Perspectives from the field (en anglais et bosnien uniquement)

Regardez le témoignage de une victime

Genève, le 18 janvier 2017 – La procédure contre Khaled Nezzar a été ouverte par le Ministère public de la Confédération suisse (MPC) en 2011, du chef de crimes de guerre. Cinq ans plus tard, le MPC a pourtant conclu contre toute attente que les faits reprochés à l’ancien ministre de la Défense ne pouvaient être qualifiés de crimes de guerre, au motif qu’il n’y avait pas de conflit armé en Algérie au moment des faits. TRIAL International, l’ONG qui avait dénoncé Khaled Nezzar aux autorités suisses, juge cette décision de classement incompréhensible et soutient le recours des parties civiles devant le Tribunal pénal fédéral (TPF).

Il aura fallu l’arrestation du prévenu, plusieurs années de procédure ainsi que de nombreuses auditions de témoins et victimes pour que le MPC estime que la qualification des faits ne justifie en fin de compte pas la tenue d’un jugement. Une décision du TPF pourrait cependant relancer l’affaire.

« Nous avons déposé recours devant le Tribunal pénal fédéral à Bellinzone. Il est en effet  inexplicable que le MPC ait enquêté pendant cinq ans, interrogé une quinzaine de témoins et soit allé jusqu’à adresser une Commission rogatoire internationale à l’Algérie sans jamais mettre en doute l’existence d’un conflit armé, avant de brusquement conclure à son absence.», explique Me Pierre Bayenet, l’un des avocat des parties civiles, contacté par TRIAL International.

Selon l’ONG, un important faisceau d’indices démontre que les faits de torture dénoncés par les victimes ont bien été commis par l’armée dans le cadre d’un conflit armé particulièrement meurtrier : « La décennie noire a fait 200’000 morts et nombreuses sont les sources qui illustrent l’intensité des combats entre les groupes armés et l’armée algérienne après le coup d’Etat. Pourtant, une impunité quasi totale règne à ce sujet. Il est encore temps que cela change », estime Philip Grant, Directeur de TRIAL international.

Les parties civiles abondent dans ce sens : « La raison invoquée pour classer l’affaire est un véritable camouflet pour toutes les victimes de torture de la sale guerre. Elles ont vécu cette guerre dans leur chair et nier son existence, c’est leur faire une nouvelle fois violence », a déclaré à l’ONG Me Damien Chervaz, un autre avocat des parties civiles.

TRIAL International soutient leur démarche et souhaite que le TPF puisse confirmer l’existence du conflit armé en Algérie à l’époque des faits. Le MPC sera alors enfin tenu de se prononcer sur la responsabilité de Khaled Nezzar dans de nombreux actes de torture.

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L’AFFAIRE NEZZAR EN BREF

Khaled Nezzar a été ministre de la Défense et Président du Haut Comité d’Etat en Algérie de 1992 à 1994. En octobre 2011, suite à une dénonciation pénale de TRIAL International, il a été arrêté en Suisse pour avoir autorisé ou incité ses subalternes à commettre des actes de torture, meurtres, exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées et autres actes constitutifs de crimes de guerre. Il a été remis en liberté sur la promesse qu’il participerait à la suite de la procédure.

CONTEXTE

La « décennie noire » en Algérie (1992-2000) a fait entre 60 000 et 200 000 morts ou disparus. Les violations des droits humains y étaient largement répandues et l’usage de la torture systématique. En tant que chef de l’armée et numéro 1 du régime, Khaled Nezzar ne pouvait ignorer les agissements de ses troupes. L’impunité pour ces faits est totale. Personne n’a jamais été poursuivi, encore moins jugé, pour ces crimes en Algérie.

LES FAITS ET ÉLÉMENTS DE PREUVE

Les éléments de preuve contre le prévenu incluent notamment des témoignages de victimes et de témoins, dont d’anciens membres des forces de sécurité le mettant directement en cause ; des rapports d’ONG, des Nations Unies et du Département d’État des Etats-Unis, faisant état de pratique systématique de la torture et autres crimes commis par le régime.

CHRONOLOGIE DE L’AFFAIRE

19 octobre 2011 : La présence de Khaled Nezzar est signalée sur le territoire suisse. Conformément à son mandat, TRIAL International dépose une dénonciation pénale auprès du Ministère public de la Confédération, qui ouvre une instruction.

20 octobre 2011 : Khaled Nezzar est arrêté et entendu par le MPC jusqu’au 21 octobre, avant d’être remis en liberté sur la promesse de se présenter durant la suite de la procédure.

Janvier 2012 : Khaled Nezzar fait recours contre les poursuites dont il fait l’objet soutenant que sa fonction de ministre de la Défense à l’époque des faits le protégeait d’éventuelles poursuites pénales en Suisse.

Juillet 2012 : le Tribunal pénal fédéral rend une décision historique suite au recours et déboute Khaled Nezzar, considérant qu’il est exclu d’invoquer une immunité pour des crimes internationaux (crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou génocide).

13 août 2014 : Le MPC adresse un projet de Commission rogatoire internationale à l’Office fédéral de la justice, mais il n’est transmis aux autorités algériennes que le 7 avril 2015.

2011 à 2016 : Cinq victimes portent plainte et seize personnes sont entendues dans le cadre de la procédure.

Novembre 2016 : Le MPC entend Khaled Nezzar à nouveau.

Janvier 2017 : Le MPC classe l’affaire.

18 janvier 2017 : Les parties civiles annoncent le dépôt d’un recours devant le Tribunal pénal fédéral.

Berne, le 11 janvier 2017 – En rejetant l’initiative pour des multinationales responsables, le Conseil fédéral rate l’opportunité de s’attaquer sérieusement aux importants défis dans le domaine des entreprises et des droits humains. L’initiative pour des multinationales responsables demande que les multinationales suisses respectent les droits humains et l’environnement.

Dans son Plan d’action national relatif aux entreprises et aux droits humains, publié en décembre 2016, le Conseil fédéral souligne que : «Les entreprises domiciliées et/ou actives en Suisse doivent dûment s’acquitter de leurs responsabilités en matière de droits de l’homme.» Le Plan d’action national ne propose toutefois aucune nouvelle mesure contraignante afin de mettre en œuvre cet objectif. Aujourd’hui, le Conseil fédéral rejette l’initiative pour des multinationales responsables démontrant qu’il n’est pas prêt de passer des paroles aux actes et de suivre les développements internationaux.

Le consensus, tant au niveau des Nations Unies que de l’OCDE, est pourtant clair: les entreprises doivent passer à une gestion proactive des risques relatifs aux droits humains et à l’environnement, et ce, en appliquant une diligence raisonnable. L’initiative pour des multinationales responsables propose précisément d’ancrer cet instrument dans la loi suisse.

A cet égard, les pays voisins ont une longueur d’avance sur la Suisse. En effet, la France est sur le point d’adopter une loi qui préconise une obligation de diligence raisonnable. Le gouvernement italien a annoncé en décembre qu’il effectuait des clarifications juridiques en vue d’introduire une obligation de diligence raisonnable. De son côté, l’Allemagne vérifiera dès 2018 qu’au moins 50% des grandes entreprises aient établi une diligence raisonnable d’ici 2020 et envisagera des mesures juridiques si nécessaire.

Les conséquences de la politique actuelle du Conseil fédéral ne sont pas seulement graves pour les victimes de violations de droits humains commises par des multinationales suisses. Elles le sont également pour les nombreuses entreprises qui mettent déjà l’accent sur les principes éthiques et de durabilité dans leurs activités. Des exigences contraignantes de la part de la Confédération seraient bénéfiques pour ces sociétés afin d’établir les mêmes conditions pour toutes les entreprises.

La question fondamentale du cadre juridique dans lequel les multinationales suisses devraient opérer devient de plus en plus urgente. La coalition de l’initiative pour des multinationales responsables, composée de 80 organisations de la société civile suisse, suivra de près le débat parlementaire et se prépare à la campagne de votation. La thématique intéresse vivement le Parlement. En effet, suite à l’adoption du Plan d’action national relatif aux entreprises et aux droits humains en décembre dernier, cinq interpellations ont été déposées à ce sujet. La population suisse se préoccupe également de cette problématique, comme l’a démontré un sondage d’opinion représentatif effectué en juin 2016. Ce sondage révélait que 90% des personnes interrogées veulent que les multinationales suisses soient tenues de respecter les droits humains et l’environnement aussi à l’étranger.

L’initiative pour des multinationales responsables offre l’opportunité au Parlement et à la population de corriger l’inaction du Conseil fédéral et de faire un pas en direction d’une économie suisse durable, équitable et tournée vers l’avenir.

Dix-huit mois après la condamnation d’Erwin Sperisen à la perpétuité pour l’assassinat de dix détenus, c’est au tour de son supérieur hiérarchique d’être jugé pour les mêmes faits par un tribunal madrilène.

Ancien ministre de l’Intérieur nommé en 2004, Carlos Vielmann a mis lui-même Erwin Sperisen à la tête de la police nationale peu après son entrée en fonction. En 2007, il a démissionné de son poste suite à une série de scandales, dont l’assassinat dans leurs cellules de quatre prisonniers. Carlos Vielmann a ensuite rejoint l’Espagne, où il a obtenu la nationalité en 2009.

Rattrapé par son passé et par une enquête de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG), il a été inculpé en 2010 pour avoir formé avec Erwin Sperisen une structure criminelle paraétatique. Celle-ci aurait notamment planifié l’assassinat de sept détenus dans la prison de Pavon et de trois détenus évadés de la prison d’Infiernito.

Les charges sont lourdes et le procureur réclame 160 ans de prison et 300 000 euros de dédommagement pour les victimes.

Carlos Vielmann se trouvait sur les lieux du crime

Comme dans le cas d’Erwin Sperisen, la défense devrait plaider l’acquittement. Les preuves contre l’ancien ministre de la Défense paraissent pourtant accablantes.

Dans le cas de Pavon, Carlos Vielmann se trouvait en effet sur les lieux du crime, dont la scène avait été grossièrement maquillée pour faire croire à un affrontement. Les enquêteurs de la CICIG affirment également que le ministre, dans un rôle extraordinairement opérationnel, aurait été constamment tenu au courant par téléphone de la poursuite des évadés d’Infiernito, dont la capture avait même été filmée… avant que leur corps soit retrouvé criblé de balles.

Le procès de Carlos Vielmann, qui se tiendra sur deux mois, verra une vingtaine de témoins passer à la barre, dont une dizaine par visioconférence depuis le Guatemala.

Moment crucial pour ce pays miné par la violence et la corruption, le procès est très attendu tant par les victimes que par les organisations de défense des droits humains qui ont dénoncé sans relâche – et parfois au péril de leur vie – ces exactions. Gageons que le jugement final répondra à leurs espoirs et que justice sera rendue, comme cela avait été le cas pour Erwin Sperisen.

Contexte

La Prison de Infiernito est une prison de haute sécurité située dans la périphérie de Guatemala City. En octobre 2005, 19 prisonniers ont réussi à s’en échapper. Erwin Sperisen et d’autres hauts responsables de la sécurité intérieure du Guatemala sont accusés d’avoir mis en place le « Plan Gavilan », dont le but était de retrouver les détenus en fuite et de les exécuter. Une récompense était offerte pour toute information portant sur la localisation de ces derniers. Trois évadés ont été exécutés. Peu après, la scène de crime a été  maquillée afin de pouvoir justifier ce recours à la force disproportionné.

Pavon est également une prison de haute sécurité de la périphérie de la ville de Guatemala. Le 25 septembre 2006, une opération de reprise de la prison est lancés. Plus de 3 000 agents de la PNC, de l’armée et des autorités pénitentiaires sont mobilisés. Durant cette opération, sept détenus ont été exécutés. La scène de crime a également été maquillée pour donner l’impression que ces décès étaient dus à une confrontation.

Pour la première fois au Népal, des tortionnaires ont été condamnés à indemniser leur victime. Malheureusement, ils sont encore en liberté.

Lakpa Tamang a été torturé par des policiers alors qu’il n’avait que 11 ans. Il a été battu, électrocuté et forcé d’« avouer » qu’il avait volé des bijoux. Les séquelles physiques et mentales de cet épisode le hanteront toute sa vie. Ses perspectives scolaires ont été compromises.

 

Un précédent encourageant

Etant donné que M. Tamang était mineur lors des faits, son cas a été examiné à la lumière de la loi sur l’enfance (1992) plutôt que la loi sur l’indemnisation en cas de torture. Si à première vue cette distinction semble n’être qu’un détail technique juridique, elle a en fait joué un rôle décisif dans l’établissement d’un précédent intéressant pour le Népal.

Le tribunal a statué que M. Tamang devait être indemnisé, non pas par les fonds de l’Etat, mais par les policiers responsables des actes de torture. Une décision rendue possible grâce à la loi sur l’enfance, qui autorise l’indemnisation directe par les auteurs de crimes. En effet, la loi sur l’indemnisation en cas de torture prévoit au contraire que  l’État, et non les coupables, doit assurer l’indemnisation des victimes.

C’est la première fois qu’une juridiction népalaise rend une telle décision dans une affaire de torture. Elle établit un précédent prometteur pour les victimes dans tout le pays et envoie un message important : l’État ne protège pas les responsables de crimes.

 

La torture et l’impunité persistent

Malheureusement, le tribunal népalais chargé de l’affaire n’a pas été assez loin dans sa condamnation. Au lieu de condamner les policiers responsables à une peine d’emprisonnement, il s’est contenté de leur infliger une amende. Une décision autorisée par la loi népalaise, qui ne considère pas la torture comme une infraction pénale.

Cette décision inspire, à la victime, à juste titre, des sentiments mitigés. Quel est le sens de cette indemnisation si ses tortionnaires restent impunis ?

Le montant octroyé à M. Tamang accentue encore davantage cette incompréhension : il suffit à peine à couvrir les préjudices soufferts en matière de santé et d’éducation. D’autres formes non-pécuniaires de réparations, telles qu’une assistance médicale ou psychologique ou des garanties de non-répétition, font manifestement défaut.

« Les juridictions népalaises ont manqué l’occasion de prendre une position ferme contre la torture. Il y a certes quelques avancées encourageantes, mais elles sont loin d’être suffisamment dissuasives pour empêcher que d’autres crimes soient commis dans le futur », déclare Helena Rodríguez-Bronchú Carceller, responsable du programme Népal. « L’usage de la torture ne reculera pas au Népal tant que les victimes n’obtiendront pas réparation complète et que les auteurs ne feront pas l’objet de sanctions adéquates. »

Le parlement népalais examine actuellement un projet de loi contre la torture.

En savoir plus sur le projet de loi contre la torture au Népal.

En savoir plus sur l’affaire Lakpa Tamang.

 

La lutte contre l’impunité est au cœur de la mission de TRIAL International. Mais que signifie exactement l’impunité? Quelles sont ses conséquences et comment est-elle liée à la paix mondiale? 

Lorsqu’un crime de droit international est commis, la justice voudrait que les coupables soient condamnés et les victimes indemnisées. Pourtant, il arrive que les bourreaux ne soient pas inquiétés et que les plaintes des victimes restent lettre morte : c’est ce qu’on appelle l’impunité.

Les causes de l’impunité sont souvent multiples et tant d’ordre politique que juridique. Parmi les critères juridiques, citons l’exigence de preuves irréalistes de la part des victimes, des temps de prescription trop court, des enquêtes bâclées, une procédure mal organisée, trop lente ou encore des avocats mal formés.

Dans les cas les plus extrêmes, les crimes de droit international ne sont tout simplement pas punis par la loi. C’est par exemple le cas au Népal, où la torture est encore considérée comme un délit. Dans ce cas, les victimes ont très peu d’outil juridique pour faire valoir leurs droits.

Climats délétères et impunité se renforcent mutuellement

D’autres facteurs plus insidieux contribuent à l’impunité, souvent liés au contexte politique et social du pays : les régimes autoritaires et les zones de conflits sont souvent des poches de non-droit où les victimes peinent à faire entendre leur voix… ou le font au péril de leur vie.

Dans ces contextes, le système judiciaire est aussi plus perméable aux pressions externes. Intimidation des juges, « disparition » des dossiers, chantages et pots de vins sont innombrables. Malheureusement, les personnes dont la responsabilité est la plus engagée sont souvent les mieux protégées par leur statut ou leurs relations personnelles. Le contraire est également vrai : se sachant protégés, ces individus seront plus susceptibles de commettre des crimes graves.

Les droits des victimes doublement bafoués

Lorsque règne l’impunité, les victimes ont d’immenses difficultés à accéder à la justice. Certaines craignent des représailles sur elles-mêmes ou leurs proches. D’autres n’ont pas les moyens matériels de porter plainte, par exemple si elles sont illettrées ou habitent dans des zones très reculées. Très peu d’entre elles ont la foi de porter plainte, découragées par l’absence de voies de recours crédibles.

Privées de justice, les victimes vivent aussi dans la peur de nouveaux crimes. Si les bourreaux ne sont pas punis pour leurs actes, ils sont en effet libres de recommencer et d’autres peuvent interpréter cette permissivité comme un encouragement à commettre davantage de violations.

Ainsi, l’impunité érode les droits humains et la justice dans leur ensemble. Elle maintient un climat délétère dans lequel aucune paix durable ne peut s’épanouir.

Six manières dont TRIAL International lutte contre l’impunité

  • Elle plaide pour des lois inclusives et respectueuses des droits des victimes
  • Elle sensibilise les juges et les procureurs aux bonnes pratiques et aux standards internationaux
  • Elle assiste des praticiens du droit dans la constitution de leurs dossiers
  • Elle porte des affaires devant les juridictions internationales, et veille à l’application des décisions
  • Elle forme des avocats et des défenseurs des droits humains pour qu’à leur tour, ils soient porteurs de changements

Pour la deuxième année consécutive, 8 avocats congolais ont suivi un coaching juridique personnalisé sur une année entière. Entre sessions théoriques et exercices pratiques, deux participants reviennent sur leur expérience.

 

TRIAL : Pourriez-vous vous présenter et expliquer comment vous avez entendu parler de la formation ?  

Me Ghilaine Bisimwa Naweza : Je suis avocate au Barreau de Bukavu depuis 2010 avec une spécialité dans les droits humains. Je suis également membre de l’Association des femmes juristes congolaises du Sud Kivu, qui défend et promeut les droits humains dans la région. J’avais déjà reçu une formation de TRIAL International par le biais de cette association, sur la documentation des violences sexuelles. Je l’avais trouvé très concrète, aussi j’ai candidaté dès que j’ai eu vent de ce coaching d’un an.

Me Jerry Ntondo Zahinda : Je suis avocat à Bukavu depuis près de 10 ans. Je suis aussi spécialiste des droits humains, j’ai donc beaucoup travaillé sur l’accès à la justice et le renforcement du système judiciaire national. J’ai entendu parler de cette formation par un ami du CICR de Bukavu. Le contenu de la formation m’a immédiatement intéressé, de même que la méthodologie fondée sur l’étude de cas concrets.

 

A quelles difficultés êtes-vous confronté dans votre métier d’avocat ?

Me Ghilaine : Il n’y a pas un seul, mais une multitude de difficultés qui se renforcent mutuellement. Au terme de cette formation, je mesure à quel point les magistrats sont peu formés aux instruments juridiques internationaux. Même quand un avocat les invoque pour son client, les juges se limitent à l’examen des normes internes sans aucune référence aux disposition du droit international, pourtant applicables.

Me Jerry : Les textes présentent en effet de sérieuses lacunes. L’arsenal juridique congolais est morcelé et inadaptés aux réalités juridiques et pratiques du pays. Il y a même des textes législatifs qui se contredisent entre eux ! Nous avons aussi des difficultés à rencontrer les victimes, car les infrastructures de transports sont déficientes et certaines routes ne sont pas sûres.

Me Ghilaine : Les avocats sont également découragés par le « deux poids, deux mesures » qui règne. Les personnes qui ont le bras long continuent d’échapper à la justice. Le clientélisme et le trafic d’influence vont bon train, et les évasions régulières des prisons anéantissent tous nos efforts.

 

Dans le cadre de la formation, vous avez été amenés à travailler sur des affaires réelles. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 Me Jerry : J’ai défendu des victimes dans le procès de Mutarule. Trois chefs militaires étaient accusés d’avoir attaqué le village de Mutarule, pillé des maisons et fait une dizaine de morts. Grâce au conseil de TRIAL, j’ai pu améliorer mon analyse juridique et y inclure de la jurisprudence internationale. Psychologiquement, l’appui d’une ONG est rassurant, car le procès s’est déroulé sous très haute tension. Cela m’a donné le courage d’être beaucoup plus proactif. Les magistrats n’ont pas encore rendu leur jugement, mais le seul fait qu’un procès de cette ampleur ait pu voir le jour est une victoire pour nous.

Me Ghilaine : On m’avait confié l’affaire de la jeune Stella (nom d’emprunt), violée à 13 ans par un juge. Son dossier était au point mort depuis plus d’un an car le magistrat instructeur rechignait à poursuivre son confrère. La formation de TRIAL m’a permis d’établir un questionnaire précis pour la victime, et donc d’obtenir de meilleurs éléments à charge. Nous avons aussi exploré des pistes nouvelles pour la constitution de preuves. Grâce à nos efforts, un procès a été ouvert devant la cour d’appel de Bukavu.

 

Comment la formation a-t-elle changé votre manière de travailler ? 

Me Ghilaine :  Avant la formation, j’avais travaillé sur une affaire de viol, mais je ne savais pas quelles questions poser à la victime. Une autre fois, des femmes victimes d’esclavage sexuel ont fait appel à moi, et je n’avais pas de réponses à leur donner. Je suis désormais mieux armée pour approcher les victimes respectueusement tout en obtenant des éléments de preuve.

 Me Jerry : Avant, je n’avais pas de connaissances pour saisir la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples ou les organes onusiens. Plusieurs de mes affaires remplissaient les critères d’admissibilité, mais je ne savais pas par où commencer. Je sais aussi désormais comment invoquer des dispositions du Statut de la CPI, que je vais pouvoir appliquer lors de procès pour crimes de masse.