Genève, 10 mars 2021. Le premier procès porté par TRIAL International s’ouvre aujourd’hui au Kasaï-central (République démocratique du Congo). Dans une région régulièrement citée comme une zone de non-droit, où l’impunité est la norme, cette affaire contre deux miliciens accusés de crimes internationaux envoie un message clair : la route est encore longue, mais la justice peut triompher.

Le Kasaï est tristement célèbre pour le violent conflit qui a opposé de 2016 à 2019 l’insurrection armée de Kamuina Nsapu et le gouvernement de Kinshasa. ©MONUSCO Photos

Au printemps 2017, plusieurs villages dans le territoire de Kazumba (Kasaï-central) ont été attaqués par une milice liée à l’insurrection armée de Kamuina Nsapu. Meurtres, pillages et tortures ont été commis contre des centaines de civils, en représailles à leur refus de collaborer avec ce groupe armé. Le commandant de celui-ci, Nsumbu Katende, est aujourd’hui jugé pour crimes de guerre et de terrorisme. Un autre milicien sous ses ordres est également sur le banc des accusés.

« Nous devons sortir de la vision fataliste que les violences au Kasaï sont vouées à rester impunies » déclare Guy Mushiata, Coordinateur national de TRIAL International en République démocratique du Congo (RDC). « La justice congolaise a déjà prouvé dans d’autres provinces que les seigneurs de guerre ne sont pas au-dessus des lois. C’est aujourd’hui au Kasaï que nous voulons faire changer les mentalités et contribuer à rétablir l’état de droit. »

 

Le Kasaï, tristement célèbre pour ses crimes de masse

Située au sud de la RDC, la région du Kasaï est tristement célèbre pour le violent conflit qui a opposé de 2016 à 2019 l’insurrection armée de Kamuina Nsapu et le gouvernement de Kinshasa. La population civile, prise en étau entre les innombrables factions armées, a subi des crimes de masse, dont la plupart sont encore impunis. En mars 2017, le Kasaï a fait les Unes du monde entier quand deux experts des Nations Unies, l’Américain Michael Sharp et la Suédoise Zaida Catalan, ainsi que les quatre Congolais qui les accompagnaient, ont été enlevés et tués.

Le procès qui s’ouvre aujourd’hui est indirectement lié à ces crimes, puisque le commandant Nsumbu Katende et son acolyte ont opéré dans le même mouvement insurrectionnel que les individus accusés d’avoir tué Michael Sharp et de Zaida Catalan : le Kamuina Nsapu. Les crimes jugés ont d’ailleurs eu lieu deux semaines avant l’enlèvement des deux experts. Si le procès ne prétend pas faire la lumière sur ces meurtres en particulier – qui font l’objet d’un autre procès en cours – l’affaire ébranle sérieusement l’impunité des milices armées et pourrait ouvrir la porte à d’autres poursuites.

 

Une évolution rapide après des années de stagnation

Ce procès s’ouvre à peine plus d’un an après que TRIAL International a ouvert son premier projet au Kasaï. C’est lors d’échanges avec les acteurs locaux que l’affaire a été portée à l’attention de l’organisation. En septembre 2020, TRIAL International a facilité une mission de documentation, pendant laquelle près de 300 victimes ont été identifiées. Grâce à ce complément d’enquête, le Procureur a considéré les preuves suffisantes pour clôturer son enquête et saisir le tribunal militaire de garnison de Kananga.

« Nous sommes ravis de cette évolution rapide du dossier », se réjouit Daniele Perissi, Responsable du programme Grands Lacs. « Elle s’explique par l’excellente collaboration entre les autorités judiciaires du Kasaï-central et ses partenaires locaux et internationaux. » Et prouve aux sceptiques que même dans les régions les plus affectées, l’impunité des crimes de masse peut être combattue.

 

TRIAL International collabore au Kasaï-central avec Physicians for Human Rights, une ONG qui utilise la preuve médicale pour documenter les violations des droits humains. Leur projet conjoint au Kasaï vise à renforcer l’accès à la justice en combinant leurs expertises juridique et médical. Ce projet bénéficie du généreux soutien de l’Agence suédoise de coopération pour le développement international, Sida.

Le 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, TRIAL International réaffirme son soutien sans failles à toutes les femmes du monde entier qui luttent pour leurs droits. Qu’elles soient survivantes, militantes ou lanceuses d’alerte, notre soutien ne serait rien sans leur courage et leur dévouement. Nous sommes fiers d’être à leurs côtés de diverses manières.

TRIAL International se bat chaque jour aux côtés de femmes qui luttent pour leurs droits. ©Aubrey Graham/ IRIN

 

En défendant les victimes devant les juridictions domestiques

Rare victoire d’une victime de violences sexuelles au Burundi

Viol sur mineure : 14 ans de prison pour un sergent de l’armée congolaise

Deux hommes condamnés pour un viol commis pendant la guerre de Bosnie

 

En dénonçant les abus devant une audience internationale

Soutien aux victimes de violences sexuelles : l’échec de la Bosnie condamné par l’ONU

La législation népalaise sur les violences sexuelles, insuffisante et mal appliquée

Être une femme en temps de guerre : nouveau livre sur les violences sexuelles en zones de conflit

 

En luttant contre la stigmatisation et les stéréotypes

En Bosnie-Herzégovine, la stigmatisation persistante des victimes de violences sexuelles en temps de guerre

Violences sexuelles : l’importance des mots

BiH : Réduire la stigmatisation des victimes de violences sexuelles en temps de guerre 

 

Nous avons besoin de votre soutien pour en faire encore plus ! Soutenez les victims en faisant un don aujourd’hui !

En RDC, en Bosnie-Herzégovine et dans le reste du monde, travailler avec des survivants de violences sexuelles en temps de guerre est extrêmement délicat. L’attitude adoptée vis-à-vis des victimes et de leur récit est cruciale pour les accompagner sur le chemin de la justice. Le choix des expressions utilisées devant les tribunaux a aussi toute son importance.

Les mots utilisés pour décrire l’agression peuvent être problématiques, par exemple lorsqu’ils contribuent à stigmatiser les victimes ou qu’ils minimisent la violence de l’événement. ©CC

Nommer l’innommable

Toutes les victimes d’atrocités telles que torture ou détention arbitraire en subissent les traumatismes. Faire appel à ces souvenirs et relater les souffrances vécues peut être extrêmement douloureux. C’est pourtant essentiel à l’établissement des faits devant un tribunal. Un accompagnement psychologique est souvent utile.

Lors des missions de documentation ou d’investigation effectuées par TRIAL International, les entretiens avec des survivants de violences sexuelles sont particulièrement sensibles. Les victimes doivent revenir sur un acte stigmatisant et tabou. Le crime, qui touche à la sexualité et à l’intimité est souvent évoqué par des termes vagues et génériques. Dans certains contextes, la victime ne possède même pas le vocabulaire adapté pour en parler ! Mais pour que le témoignage ait une valeur devant un tribunal, les faits doivent être exposés sobrement mais clairement. Comment alors amener la victime à verbaliser explicitement l’acte sans la brusquer, l’humilier ou lui faire revivre le traumatisme dans toute son horreur ?

Afin de soutenir les victimes, TRIAL International ne travaille qu’avec des partenaires locaux dûment formés et sensibilisés à la question. Pour cela, l’organisation adopte la déontologie du Protocole international sur la documentation et l’investigation de violences sexuelles lors de conflits.

 

Le choix des mots au tribunal

Alors que l’agression doit être clairement décrite, certains détails peuvent être superflus. Où placer la limite entre les informations nécessaires à la procédure et le respect de l’intimité ? Dans un rapport sur la stigmatisation des victimes de violences sexuelles en temps de guerre en Bosnie-Herzégovine, certaines questions qui émergent durant les procès sont montrées du doigt. Savoir comment l’auteur du crime a déshabillé sa victime ou s’il l’a embrassé est-il strictement nécessaire ? Au sein du tribunal, ces éléments participent le plus souvent à la stigmatisation et à l’humiliation des victimes. Toute question doit être proportionnée et justifiée.

Enfin, les mots utilisés pour décrire l’agression dans le jugement ont également toute leur importance. Certaines expressions sont problématiques. Par exemple lorsqu’elles contribuent à stigmatiser les victimes et lorsque qu’elles minimisent l’élément violent de l’agression. C’est le cas lorsqu’on parle d’« attaque à l’honneur de la femme» ou de « relation sexuelle » pour désigner un viol.

Les victimes de violences sexuelles sont confrontées à de nombreuses difficultés lorsqu’elles osent évoquer ce crime, y compris devant des instances judiciaires. Néanmoins, grâce à un long travail de sensibilisation, notamment en Bosnie Herzégovine, certains progrès peuvent être observés. « Nous pouvons le constater dans les décisions rendues par les tribunaux entre le début des ateliers de sensibilisation et aujourd’hui », note par exemple Božidarka Dodik, juge à la Cour suprême de la Fédération de Bosnie-Herzégovine.  TRIAL International continuera d’œuvrer pour que ces signes prometteurs se généralisent.

 

 

Un Nigérian dont le frère faisait partie des quelques 59 migrants ouest-africains tués en Gambie en 2005 par une unité paramilitaire contrôlée par le président Yahya Jammeh a témoigné devant la Commission vérité, réconciliation et réparation (TRRC) de Gambie le 2 mars 2021. Des groupes de défense des droits humains gambiens et internationaux suivent les audiences de la commission, qui ont débuté en janvier 2019.

« Je veux que Yahya Jammeh et les personnes impliquées dans le meurtre de mon frère soient traduits en justice », a déclaré Kehinde Enagameh devant la TRRC. ©Audrey Oettli / TRIAL International

Kehinde Enagameh a déclaré que son frère, Paul Omozemoje Enagameh, alors âgé de 28 ans, avait été porté disparu en 2005 alors qu’il cherchait à émigrer en Europe. Kehinde Enagameh a appris plus tard par un ami que les autorités gambiennes avaient arrêté et tué son frère. Mais pendant de nombreuses années, il n’a pas pu en savoir plus, jusqu’à ce que le meurtre des migrants attire l’attention de la communauté internationale ces dernières années.

Voir le témoignage de Kehinde Enagameh devant la TRRC (en anglais)

« Depuis que mon frère a disparu, toute ma famille a vécu un traumatisme émotionnel », a déclaré Kehinde Enagameh. « Je veux que Yahya Jammeh et les personnes impliquées dans le meurtre de mon frère soient traduits en justice ».

Paul Enagameh était l’un des neuf Nigérians tués lors du massacre, selon un rapport de 2008 publié par la Nigerian High Commission en Gambie. La plupart des autres victimes nigérianes n’ont pas pu être identifiées.

Outre les Nigérians, environ 44 Ghanéens et des ressortissants du Congo, de la Côte d’Ivoire, de la Gambie, du Liberia, du Sénégal, de la Sierra Leone et du Togo auraient été tués en quelques jours en juillet 2005. Le 25 février 2021, un ancien officier de haut rang de l’Agence nationale de renseignement de Gambie, a présenté à la TRRC une liste de 51 migrants qui avaient été arrêtés – la première de ce type. Cette liste, qui comprend un Nigérian du nom de John Amase, a apparemment été établie après que huit autres migrants, dont plusieurs Nigérians, aient déjà été tués.

La TRRC a également entendu des témoignages selon lesquels l’ancien président Jammeh avait participé au viol et à l’agression sexuelle de plusieurs femmes, forcé des Gambiens séropositifs à renoncer à leurs médicaments et à se confier à ses soins personnels, et ordonné le meurtre et la torture d’opposants politiques ainsi que des « chasses aux sorcières » au cours desquelles des centaines de femmes ont été détenues arbitrairement.

Selon les groupes de défense des droits humains, ces audiences soulignent la nécessité d’une enquête criminelle et de poursuites appropriées à l’encontre de Yahya Jammeh et des autres personnes qui portent la plus grande responsabilité dans les crimes graves commis par son gouvernement. L’ancien président vit en exil en Guinée équatoriale depuis son départ de Gambie en janvier 2017.

« Nous allons localiser la famille de John Amase, dont l’identité vient d’être révélée pour la première fois à la TRRC, et nous allons rechercher l’identité des sept migrants nigérians restants », a déclaré Femi Falana, avocat principal du Nigeria, qui représente la famille Enagameh. « Yahya Jammeh s’est peut-être réfugié en Guinée équatoriale pour l’instant, mais tôt ou tard, il devra faire face à ces accusations . »

 

Cet article a été produit avec le soutien financier de l’Union européenne. Son contenu est la seule responsabilité des auteurs et ne reflète pas nécessairement les positions de l’Union européenne.

 

Pour la deuxième année consécutive, le Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH) sera entièrement digitalisé. Une édition repensée, mais dont l’engagement reste inchangé. TRIAL International est fière de compter encore une fois parmi ses partenaires.

©FIFDH Genève

TRIAL International est ravie de co-présenter le documentaire En route vers le milliard, de Dieudo Hamadi. Le film retrace les 20 ans de lutte d’un groupe de victimes de la guerre en RDC pour obtenir les réparations financières promises par le gouvernement congolais. Face à l’apathie politique, et malgré de lourds handicaps, ils embarquent pour une traversée du fleuve Congo afin de rallier la capitale Kinshasa, et d’y faire entendre leur voix.

Voir le documentaire en ligne (disponible du 5 au 14 mars)

En complément du documentaire, Daniele Perissi, Responsable du programme Grands Lacs de TRIAL International, explique le lien entre justice et réparations. En prenant exemple sur des affaires portées par l’organisation, il dresse l’état des lieux de la situation en RDC.

En savoir plus sur les réparations en RDC

 

Investir de nouveaux canaux et de nouveau espaces

Face à la pandémie, le FIFDH s’est réinventé. L’édition 2021 se veut « encore plus accessible et inclusive que les précédentes », selon Isabelle Gattiker, directrice générale et des programmes. Pour y parvenir, la plateforme fifdh.org regroupe désormais l’ensemble des contenus proposés. Outre la sélection de 29 films à voir en ligne et les 17 débats retransmis en direct, l’équipe du Festival propose 16 heures de programmes originaux, vidéo et audio, avec des contenus exclusifs.

Malgré ces adaptations, le FIFDH reste fidèle à ses valeurs, notamment en donnant la parole aux activistes des droits humains dans le monde entier. Parmi les invités cette année, Angela Davis, Arundhati Roy ou encore Ai Weiwei invitent le public à se questionner et se mobiliser. Et le réalisateur suisse Milo Rau, également invité du Festival, de conclure : « Il ne s’agit plus seulement de représenter le monde. Il s’agit de le changer. »

Visiter le site du fifdh

 

 

Un message de Philip Grant, Directeur exécutif de TRIAL International

 

Il existe une stratégie militaire intemporelle et particulièrement odieuse utilisée aussi bien par des acteurs étatiques que par des milices et groupes armés. Redoutable, cette stratégie est largement employée à travers le monde : aucun continent n’est épargné. Je veux vous parler aujourd’hui des violences sexuelles en temps de guerre. Abjectes, elles visent le plus souvent la population civile, majoritairement des femmes mais aussi des hommes et même des enfants.

Les survivants de violences sexuelles sont des survivants de guerre qui ont droit à la reconnaissance de leur statut et à des réparations. ©UN Photo/ Staton Winter

Dans l’affaire Kavumu, en République démocratique du Congo (RDC), la plus jeune des victimes avait à peine un an ! Dans cette affaire, la nature systématique des attaques menées contre plus de 40 enfants a permis de les caractériser comme crimes contre l’humanité. En qualifiant les violences sexuelles de crime de guerre ou de crime contre l’humanité, c’est toute la violence de l’agression qui est soulignée. Cela permet aussi de déposer plainte des années après les faits, car les crimes internationaux sont imprescriptibles. TRIAL International œuvre pour que les violences sexuelles soient qualifiées de crime international à chaque fois que cela est pertinent.

En faisant un don aujourd’hui, vous rendez possible le travail de sensibilisation auprès des acteurs judiciaires ainsi que l’accompagnement juridique gratuit de nombreuses victimes.

Les survivants de violences sexuelles en temps de guerre ne sont pas des victimes collatérales. Elles ne sont pas victimes de pulsions sexuelles incontrôlées. Non, leur agression est inhérente au conflit, leur corps est un champ de bataille. Ce sont bel et bien des survivants de guerre qui ont droit à la reconnaissance de leur statut et aux réparations qui en découlent. C’est cela aussi la justice.

Cela fait près de 20 ans que TRIAL International s’engage, avec ardeur et professionnalisme, pour porter la voix de ces survivants. Je suis fier du rôle moteur que notre organisation joue dans ces dossiers. L’impunité pour ces crimes commence petit à petit à reculer, grâce notamment à notre travail dans de multiples procès, en RDC mais aussi en Bosnie-Herzégovine, au Népal et ailleurs.

Mais ces affaires sont encore trop rares pour un crime qui reste tabou. Chaque victoire devant les tribunaux peut constituer un précédent juridique et ainsi contribuer à changer notre monde. Chaque réparation versée permet aux victimes de se reconstruire, tant physiquement que moralement. Chaque affaire gagnée donne de l’espoir à des centaines de victimes et les encourage à continuer sur le chemin de la justice. Soutenez-les, soutenez notre lutte contre l’impunité, faites un don aujourd’hui !

Ensemble, œuvrons pour que toujours plus de survivants de ce crime abominable puissent élever la voix et obtenir justice.

Au nom de toute l’équipe de TRIAL International, un grand merci.

 

   Philip Grant, Directeur exécutif de TRIAL International

La Commission Vérité, Réconciliation et Réparations (TRRC), dont les audiences ont repris le 22 février 2021, se penchera sur le massacre en 2005 de plus de 50 migrants ouest-africains. Il s’agit là de la plus grande perte de vies humaines sous le régime de l’ancien président Yahya Jammeh. 

Les audiences de la TRRC devraient faire la lumière sur le massacre et sur la dissimulation des preuves. ©Audrey Oettli/ TRIAL International

En l’espace de quelques jours de juillet 2005, environ 44 Ghanéens, 9 Nigérians, 2 Togolais et des ressortissants de Côte d’Ivoire, de Gambie et du Sénégal avaient alors été tués. Parmi les personnes amenées à témoigner figure le Ghanéen Martin Kyere, le seul survivant connu.

Les précédentes tentatives officielles de faire la lumière sur ce massacre ont été bloquées ou entachées d’irrégularités. Le Ghana avait tenté d’enquêter sur les meurtres en 2005 et 2006, mais à l’époque, ses efforts avaient été entravés par le gouvernement de Jammeh. En avril 2009, les Nations unies et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avaient publié un rapport qui concluait que le gouvernement gambien n’était pas « directement ou indirectement complice » des meurtres et des disparitions forcées. Il désignait des éléments « incontrôlés » des services de sécurité gambiens « agissant de leur propre chef » comme responsables du massacre. Le rapport de l’ONU/CEDEAO n’a cependant jamais été rendu public, malgré les demandes répétées des victimes et de cinq experts des droits humains des Nations unies.

Un rapport de 2018 de TRIAL International et de Human Rights Watch, basé sur des entretiens avec 30 anciens officiels de l’époque de Jammeh, a cependant révélé que les plus proches associés de l’ex-président au sein de l’armée, la marine et la police avaient détenu les migrants. Ce sont ensuite les « Junglers », une unité de soldats gambiens opérant sous les ordres directs de Jammeh, qui les ont sommairement exécutés. TRIAL International et Human Rights Watch ont également découvert que le gouvernement gambien avait détruit des preuves essentielles avant l’arrivée de l’équipe de l’ONU/CEDEAO.

En juillet 2019, trois anciens Junglers ont témoigné publiquement devant la TRRC. Il est ressorti de leur témoignage qu’ils avaient eux-mêmes, ainsi que 12 autres « Junglers », commis les meurtres ordonnés par Jammeh. L’un de ces officiers, Omar Jallow, a précisé que le chef de l’opération avait dit aux hommes que « l’ordre de … Jammeh est qu’ils soient tous exécutés ».

Les audiences de la TRRC devraient faire la lumière sur le massacre et sur la dissimulation des preuves.

« Je me bats depuis 15 ans pour la vérité et la justice pour mes compagnons qui ont été tués », a déclaré Martin Kyere. Il s’était échappé d’un camion en marche transportant d’autres migrants qui ont été tués peu après. Depuis lors, il mobilise les familles des victimes. 

Martin Kyere sera présent à Banjul pour les audiences aux côtés de William Nyarko de l’Africa Center for International Law and Accountability (ACILA), qui coordonne la campagne Jammeh2Justice Ghana.

 

Voir l’infographie sur les circonstances du massacre

Voir le court métrage Gambia’s Ex-President Linked to 2005 Massacre (en anglais)

Voir le documentaire The Massacre of Ghanaians in The Gambia: Justice in Limbo? (en anglais)

Voir le documentaire I Cannot Bury My Father (en anglais)

 

Cet article a été produit avec le soutien financier de l’Union européenne. Son contenu est la seule responsabilité des auteurs et ne reflète pas nécessairement les positions de l’Union européenne.

TRIAL International salue la condamnation en appel de deux Imbonerakure pour le meurtre d’un membre de l’opposition. Elle prouve que cette ligue liée au parti au pouvoir n’est pas au-dessus des lois.

Les Imbonerakure, connus pour leurs exactions, ont jusqu’à présent joui d’une impunité quasi-totale. ©Stringer/ TRIAL International

Richard Havyarimana, membre du parti d’opposition le Congrès national pour la liberté (CNL), avait été enlevé en mai 2020 et retrouvé mort dans une rivière quelques jours plus tard. Dans les mois précédant son exécution, les Imbonerakure avaient menacé M. Havyarimana à maintes reprises.

Les Imbonerakure sont officiellement la ligue des jeunes du parti au pouvoir. En réalité, ils agissent comme une véritable milice redoutée au Burundi, connus pour leurs exactions et l’impunité quasi-totale dont ils ont joui jusqu’à présent.

Le 12 août 2020, le tribunal de grande instance de Mwaro avait condamné les deux prévenus, Dieudonné Nsengiyumva et Boris Bukeyeneza, à 15 ans de prison. Le tribunal avait également ordonné le versement d’environ 5’000 USD aux proches de la victime en guise de compensation. Début février 2021, la Cour d’appel de Bujumbura a confirmé ce jugement.

 

Fait unique ou lueur d’espoir ?

« Nous saluons cette décision, et pas seulement pour la satisfaction qu’elle procure à la famille de Richard Havyarimana. Si elle marque la fin de la toute-puissance des Imbonerakure dans le pays, elle revêt aussi une importance symbolique pour toutes les victimes de leur brutalité » explique Pamela Capizzi, Coordinatrice nationale pour le Burundi à TRIAL International. « Charge maintenant aux autorités politiques et judiciaires de poursuivre sur cette lancée : la route vers l’État de droit est encore longue ».

En décembre 2020, la condamnation d’un agent de l’État pour le viol d’une mineure avait déjà ouvert une brèche dans l’impunité au Burundi.

Le Népal a un bilan médiocre dans la mise en œuvre des décisions internationales sur les droits humains, ce qui entraîne la frustration croissante des victimes. Or, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies pourrait faire plus pour donner suite à ses propres recommandations.

Le CDH ne déclenche pas le dialogue de suivi et reste silencieux sur le manque de mise en œuvre de ses propres mesures. ©Audrey Oettli/ TRIAL International

Entre le 29 octobre 2014 et le 15 juillet 2019, le Comité des droits de l’homme (CDH ou « le Comité ») a statué sur six affaires dont les auteurs sont représentés par TRIAL International et le Human Rights and Justice Centre (HJRC) au Népal. Tous ces cas concernent des crimes de torture, y compris de violences sexuelles et de travail forcé.

Lire le résumé de la situation de la mise en œuvre (en anglais)

Malgré le temps qui s’est écoulé (parfois plus de sept ans) depuis l’adoption des décisions du Comité, aucune des mesures de réparation indiquées n’a été mise en œuvre et les auteurs ne sont pas inquiétés.

 

Une « récompense » pour l’inertie

La réticence du Népal à mettre en œuvre les décisions du Comité est généralisé et concerne l’ensemble des 26 affaires examinées entre 2008 et 2021. En juin 2020, TRIAL International et le HRJC avaient déjà soumis un rapport de suivi au Comité, concernant le manque d’exécution de ses décisions dans les affaires de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires. Les ONG exprimant de sérieuses préoccupations face aux manquements répétés du Népal face à ses obligations internationales.

Les victimes et leurs familles se sentent trahies et frustrées par l’inertie de l’État ; mais elles sont également troublées par le fait que le CDH ne déclenche pas le dialogue de suivi et reste silencieux sur le manque de mise en œuvre de ses propres mesures. Les auteurs des plaintes estiment que l’État partie se voit ainsi « récompensé » pour son manque de diligence.

 

Demandes adressées au Comité  

Dans le but de lancer un débat constructif avec l’État partie et, à terme, de favoriser la mise en œuvre des décisions pertinentes, les six victimes représentées invitent respectueusement le CDH à :

  • Mettre en place une « procédure conjointe de suivi » pour toutes les affaires concernant le Népal, dans le but d’en faire une « étude de cas par pays » et de rationaliser les efforts de mise en œuvre des mesures ;
  • Dans le cadre de cette « procédure conjointe de suivi », organiser une audience au cours de laquelle l’État partie, ainsi que les auteurs et/ou leurs représentants, prendraient la parole sur la question.

Indifféremment de la manière dont le dialogue avec l’État partie est mené, il est essentiel que quatre éléments soient élucidés dans les plus brefs délais :

    • L’identification précise des autorités népalaises chargées de la mise en œuvre au niveau national de chaque mesure de réparation dans chaque affaire ;
    • L’établissement d’un calendrier pour la mise en œuvre de chaque mesure ;
    • La mise en place d’un forum où les auteurs des communications et leurs représentants peuvent dialoguer régulièrement et ouvertement avec les autorités compétentes de la mise en œuvre ;
    • La facilitation d’un soutien psychosocial et d’un traitement médical immédiats et gratuits, considérés par toutes les victimes comme priorité.

Lire le résumé de la situation de la mise en œuvre (en anglais)

Plus d’un an après la décision du Comité des Nations Unies contre la torture (CAT) qui exigeait de la Bosnie-Herzégovine (BiH) qu’elle indemnise et présente des excuses officielles à la victime d’un viol commis en temps de guerre, aucune mesure de réparation n’a encore été mise en œuvre. Comme le souligne TRIAL International dans un rapport de suivi (en anglais) soumis au CAT en janvier 2021, l’inaction de l’État dans cette affaire constitue une violation de plusieurs traités internationaux, dont la BiH est pourtant signataire. Ce cas n’est malheureusement pas isolé. Et les premiers à en subir les conséquences sont les victimes, qui souvent n’obtiennent pas de réparation de leur vivant.

La mise en œuvre de la décision du CAT créerait une jurisprudence importante pour un meilleur traitement des victimes de crimes de guerre. ©Will Baxter/ TRIAL International

Pour rappel, le CAT avait conclu en août 2019 que la Bosnie-Herzégovine avait manqué à ses obligations envers Mme A., violée en 1993. Le Comité avait fondé sa décision sur le fait que l’auteur n’avait versé aucune compensation malgré sa condamnation pénale. Dans ce cas, comme dans beaucoup d’autres, l’État n’a pas mis à exécution la décision, jugeant que l’auteur n’avait pas les moyens de payer le montant de sa condamnation. Par conséquent, le CAT a conclu que le droit à une indemnisation adéquate et équitable avait été refusé à la survivante, de même que son droit à la réinsertion.

La mise en œuvre de la décision du CAT créerait une jurisprudence importante pour un meilleur traitement des victimes de crimes de guerre. Mais au lieu de cela, la BiH semble enlisée dans un processus de mise en œuvre trop lent, dans lequel les vieilles habitudes – telles que le non-respect des décisions rendues par les organes internationaux – perdurent.

Il existe bien entendu certains obstacles juridiques, administratifs et financiers qui peuvent expliquer le retard de l’État à agir, notamment dus à la complexité du processus décisionnel en BiH. D’autant plus que certaines des exigences formulées par le CAT impliquent une approche stratégique impossible à mettre en œuvre en une journée. Il n’en demeure pas moins que les victimes de crimes de guerre n’ont souvent pas d’autre solution que de faire appel aux organisations de la société civile. Il est temps que l’État joue un rôle plus important. « Présenter des excuses publiques officielles est un geste facile. C’est le strict minimum que la Bosnie-Herzégovine devrait offrir à cette survivante. Et elle doit le faire le plus rapidement possible », a déclaré Lamija Tiro, conseillère juridique de TRIAL International à Sarajevo.

M. Rohit Koirala, âgé d’environ 32 ans, était un résident de Sunsari, un district de l’est du Népal. Fervent militant de la lutte contre la discrimination, il a rejoint le parti communiste népalais maoïste (PCN-M) vers 1997. M. Rohit Koirala a joué un rôle considérable au sein de ce mouvement, agissant en tant que secrétaire de district et visitant d’autres districts du Népal.

Après plusieurs années, une lettre de la Commission nationale des droits de l’homme a officiellement reconnu que M. Koirala avait été arbitrairement arrêté, battu et exécuté. ©Kaushal Sapkota

Le 6 mars 2002, M. Koirala était à Madhurmara (district de Morang). Malgré sa discrétion, la police locale a appris que des cadres du PCN-M planifiaient des activités pour le compte du parti. M. Koirala et ses trois collègues ont été extraits de leur repaire, battus et emmenés au bureau de police du district de Morang.

Le 8 mars 2002, plusieurs villageois d’Indrapur (district de Morang) ont été témoins de l’exécution extrajudiciaire des quatre détenus, incluant Rohit Koirala. Leurs témoignages ont par la suite révélé que vers 4h30 du matin, une camionnette ouverte est passée devant eux, transportant Rohit Koirala et trois autres personnes. Comme M. Koirala était activement impliqué dans le PCN-M, les villageois l’ont reconnu mais étaient trop effrayés pour suivre le véhicule. La camionnette est ensuite réapparue, transportant des corps dont les vêtements ressemblaient à ceux de M. Koirala et ses amis. Des taches de sang ont également été découvertes dans les environs.

 

Le frère de la victime en quête de la vérité

Le même jour, Ram, le frère de M. Rohit Koirala, a entendu à la radio que quatre « terroristes » avaient été exécutés à Morang. Cette annonce l’a préoccupé, puisqu’il savait que son frère était un cadre maoïste de ce district. Il a passé les jours suivants dans une incertitude atroce, ne sachant pas où le chercher ni même s’il était vivant. Ram Koirala a décidé de se rendre au bureau de police du district de Morang pour dénoncer le crime, mais l’enregistrement de l’affaire lui a été refusé. Trois autres fois au cours des années suivantes, sa demande légitime d’ouvrir un dossier a été rejetée. Une fois, il a même été sommé par un officier de police de ne pas porter plainte pour « un terroriste ».

Après plusieurs années, M. Koirala a reçu une lettre de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), reconnaissant officiellement que son frère avait été arbitrairement arrêté, battu et exécuté. Mais malgré cette reconnaissance et les lettres consécutives que M. Koirala a adressées à la CNDH, aucun auteur n’a jamais été identifié et puni.

En décembre 2020, avec l’aide de TRIAL International et du Human Rights and Justice Centre, Ram Koirala a porté son cas devant le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. L’affaire est en cours.

 

Cet article a été produit avec le soutien financier de l’Union européenne. Son contenu est la seule responsabilité des auteurs et ne reflète pas nécessairement les positions de l’Union européenne.

Il y a exactement 39 ans, débutait le siège de la ville de Hama par l’armée syrienne, en représailles à une tentative de soulèvement des Frères musulmans. En un peu moins d’un mois en février 1982, les troupes de Hafez al-Assad se livrent à un véritable massacre qui coutera la vie plusieurs dizaines de milliers de personnes, majoritairement des civils. A la tête des Brigades de défense, Rifaat al-Assad, le frère du président, que les Syriens surnommeront le « Boucher de Hama », nie depuis lors son implication. Depuis décembre 2013, il fait pourtant l’objet d’une enquête pénale par le Ministère public de la Confédération pour crimes de guerre, suite à une dénonciation déposée par TRIAL International.

En février 1982, les troupes de Hafez al-Assad se livraient à un véritable massacre à Hama. ©Khaled al-Khani

Mais comment un ancien haut-gradé syrien peut-il être poursuivi en Suisse pour des crimes commis dans son pays d’origine ? Pourquoi est-il encore inquiété par la justice alors que les crimes remontent à près de quarante ans ? Quels obstacles présentent des enquêtes et procédures d’une telle envergure ? Et que peuvent espérer les survivants du massacre et les proches des victimes de Hama ? Pour tenter de répondre à ces questions, TRIAL International organise une conférence en ligne qui se tiendra le 22 février 2021 à 17h (CET).

Aux côtés de Jennifer Triscone, conseillère juridique et enquêtrice en charge du dossier contre Rifaat al-Assad, qui va expliquer la procédure en Suisse, l’enquête sur l’affaire et ses difficultés, l’avocat syrien Anwar al-Bounni reviendra sur l’importance de cet évènement pour les Syriens et dressera un parallèle avec les luttes actuelles en Syrie. Le panel sera complété par Chanez Mensous de l’ONG française Sherpa, partie civile dans la procédure engagée en France contre Rifaat al-Assad pour biens mal acquis.

Le webinaire aura lieu sur Zoom et sera retransmis sur Facebook live. Une traduction simultanée anglais/arabe vous sera proposée. Pour participer, merci de bien vouloir vous inscrire ici. Un lien pour accéder au webinaire vous sera envoyé quelques jours avant l’évènement.

Une victime de violences sexuelles, mineure au moment des faits, a enfin vu son agresseur puni par la justice. L’aboutissement d’une telle affaire devant les juridictions burundaises est un fait suffisamment rare pour être salué… sans faire oublier les déficiences structurelles du système de justice.

L’issue positive de cette affaire résulte notamment de la ténacité hors norme de la mère de la victime et de son avocat. @Stringer/ TRIAL International

Fin 2020, un tribunal de Bujumbura a condamné l’auteur d’un viol sur une mineure. Outre une peine de prison à perpétuité, des réparations équivalant à environ 500 EUR ont été octroyées à la jeune victime.

L’avocat de cette dernière avait, en 2016/2017, bénéficié d’une formation de TRIAL International. L’organisation a suivi donc de près cette affaire particulièrement choquante.

 

« Une hirondelle ne fait pas le printemps »

« Nous sommes ravis pour la victime et sa famille, qui se sont battus avec un grand courage pour obtenir cette décision » commente Pamela Capizzi, Coordinatrice Burundi pour TRIAL International. « Mais une hirondelle ne fait pas le printemps : le judiciaire burundais est, d’une manière générale, incapable de répondre aux attentes des victimes. »

Un rapport, publié en décembre 2020 par TRIAL International, détaille les insuffisances structurelles et profondes du Burundi en matière de justice et de réparations. « Toutes les conclusions du rapport restent vraies, même à la lumière de ce verdict » résume Pamela Capizzi.

Lire le rapport de TRIAL International sur le judiciaire au Burundi

Qui plus est, l’issue positive de cette affaire résulte au moins en partie de la ténacité hors norme de la mère de la victime et de son avocat. Ensemble, elles ont multiplié les relances et les visites au tribunal, pour que l’affaire ne s’enlise pas comme tant d’autres. Un dévouement hors pair qui ne devrait pourtant pas être nécessaire pour faire valoir son droit à la justice.

 

Plusieurs incertitudes demeurent

Le verdict doit incontestablement être salué, mais il ne donne pas le fin mot de l’affaire. D’une part, le prévenu peut faire appel de la décision. D’autre part, il n’est pas rare que des réparations prononcées ne se matérialisent jamais – une injustice qui ne se limite hélas pas au Burundi.

Un suivi attentif sera donc nécessaire dans les prochains mois, voire les prochaines années, pour que justice soit effectivement et totalement rendue.

En vue de l’examen périodique du Népal devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU (CDH) TRIAL International et son partenaire à Katmandou, le Human Rights and Justice Center, soumettent un rapport alternatif révélant une inquiétante stagnation au long des sept dernières années.

Le rapport alternatif de TRIAL International et du HRJC soulignent que le Népal manque d’engagement envers ses obligations internationales. ©Audrey Oettli/ TRIAL International

En amont de la session du Comité des droits de l’homme en mars 2021, TRIAL International et le Human Rights and Justice Center (HRJC) ont soumis un rapport alternatif examinant les principaux obstacles à la mise en œuvre des obligations du Népal, conformément au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le rapport se concentre sur l’impunité de violations des droits humains pendant et après le conflit interne ; le manque de protection adéquate pour les victimes et leur famille ; ainsi que sur les limites du cadre législatif et politique.

Le rapport alternatif passe donc en revue le (non) respect par le Népal de ses obligations concernant l’interdiction de la privation arbitraire de la vie, la détention arbitraire et de la torture, ainsi que l’interdiction du viol et d’autres formes de violences sexuelles, des crimes de disparition forcée et les obstacles rencontrés par les victimes et leurs familles pour avoir accès à la justice, à la vérité et à une réparation adéquate pour le préjudice subi.

 

Des retards qui illustrent le manque d’engagement du Népal

Le CDH examine périodiquement les États membres du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Népal s’est soumis à cet examen en 2014 et devait envoyer son rapport en mars 2018 ; ce qui n’a pas été fait. En mars prochain, le Comité rédigera donc une liste de questions dont les réponses fournies par le Népal compteront comme son rapport périodique. Les ONG peuvent soumettre des rapports alternatifs pour aider le Comité à identifier les sujets les plus importants.

Le rapport alternatif de TRIAL International et du HRJC soulignent également que le Népal manque d’engagement envers ses obligations internationales et d’une cruelle indifférence vis-à-vis des mécanismes internationaux de droits humains tels que le CDH. Leurs recommandations ne sont généralement pas prises en compte, ce qui génère une frustration supplémentaire parmi les victimes et leurs familles et menace l’ordre juridique international ainsi que l’état de droit.

TRIAL International et le HJRC espèrent que les questions soulevées dans leur rapport alternatif seront reprises par le CDH, permettant ainsi un dialogue concret et constructif, propice à l’adoption de recommandations efficaces.

Lire le rapport alternatif complet (en anglais)

 

Mise à jour d’avril 2021 

Le 23 avril 2021, en prévision de l’examen périodique du Népal, le CDH a publié une liste de sujets qui reprenait de nombreux points soulevés par TRIAL International et le HRJC dans leur rapport alternatif. Parmi ceux-ci, la mise en oeuvre des décisions internationales (paragraphes 1 et 2 de la liste, en anglais uniquement)  ; l’impunité et la justice (paragraphes 5 et 6) ; les violences faites aux femmes (paragraphe 11) et les exécutions extrajudiciaires et les actes de torture (paragraphes 13 et 14).
TRIAL International et le HRJC saluent l’inclusion de ces sujets et espèrent que les autorités népalaises y répondront promptement et de manière satisfaisante.
Cet article a été produit avec le soutien financier de l’Union européenne. Son contenu est la seule responsabilité des auteurs et ne reflète pas nécessairement les positions de l’Union européenne.

Le 21 janvier 2021, le Népal sera soumis à son troisième Examen périodique universel (EPU). Par procédure unique, les États eux-mêmes examinent le bilan des autres États en matière de droits humains. C’est une opportunité pour les pays d’émettre leur avis et pour inciter le Népal à faire plus – beaucoup plus.

Contrairement à d’autres procédures internationales, l’EPU est mené directement par les États : les 47 membres du Conseil des droits de l’homme peuvent procéder à un examen. ©Audrey Oettli/ TRIAL International

Depuis la fin du conflit armé civil, le Népal a systématiquement ignoré les demandes nationales et internationales en matière de droits humains. Des dizaines de décisions du Comité des droits de l’homme des Nations Unies restent à ce jour lettre morte. Les innombrables appels des organisations de la société civile et des collectifs de victimes, exigeant la vérité et la justice pour les victimes de violations des droits humains, ont été ignorés. Leur lutte ne se compte pas en années, mais en décennies.

TRIAL International, le Human Rights and Jusice Centre (HRJC) et THRD Alliance ont été parmi les nombreux acteurs à n’avoir pas été entendus par les autorités. « C’est une situation décourageante », regrette Ranjeeta Silwal, coordinatrice droits humains au HJRC à Katmandou. « Nous faisons tout notre possible pour inciter les autorités gouvernementales à agir, en unissant nos forces avec autant que possible, mais la plupart du temps, nos demandes n’ont pas été entendues. En conséquence, des milliers de victimes attendent toujours que justice soit faite. Naturellement, leur frustration s’accroît. »

 

Les États peuvent et doivent augmenter la pression sur le Népal

Dans l’ensemble, l’ONU et les ONG n’ont pas réussi à pousser les autorités à l’action, mais qu’en est-il des autres États ? Le prochain EPU pour le Népal, le 21 janvier 2021, pourrait être l’occasion pour eux de peser de tout leur poids. Contrairement à d’autres procédures internationales, l’EPU est mené directement par les États : les 47 membres du Conseil des droits de l’homme peuvent procéder à un examen, sous la houlette de trois États tirés au sort appelés « troïka ».

En savoir plus sur l’Examen périodique universel

En amont de la session de l’EPU, TRIAL International, le HRJC et THRD Alliance ont partagé une série de recommandations avec les États, dans l’espoir qu’elles seront évoquées lors de l’examen.

« Nous appelons tous les États participant à cet EPU à augmenter la pression sur le Népal. Leur soutien est vital pour améliorer la situation des victimes », résume Mohan Karna, Directeur exécutif de THRD Alliance « Nous leur demandons de porter nos recommandations lors des discussions et de pousser le Népal à les appliquer dès cette année. »

Lire le résumé des recommandations

En juin 2021, le Groupe de travail sur l’EPU a publié ses recommandations. Elles font écho à plusieurs des recommandations émises par TRIAL International et ses partenaires, notamment :
– l’amendement du droit pénal national sur les disparitions forcées, les actes de torture et les violences sexuelles ;
– la nécessité de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale ;
– la garantie que les mécanismes de justice transitionnelle et la législation sont conformes aux standards internationaux ;
– l’investigation des crimes internationaux commis pendant le conflit armé et des disparitions forcées, et l’identification, la poursuite et la punition des responsables.
Comme le prévoit la procédure de l’EPU, le Népal a répondu à ces recommandations, en se montrant réticent sur certains points comme l’amendement au droit national. TRIAL International et ses partenaires restent donc inquiets et continueront de plaider en faveur de changements dans les mois à venir.

 

Cet article a été produit avec le soutien financier de l’Union européenne. Son contenu est la seule responsabilité des auteurs et ne reflète pas nécessairement les positions de l’Union européenne.

Il y a deux ans, la Gambie s’est dotée d’un outil essentiel au service de la justice transitionnelle : la Commission Vérité, Réconciliation et Réparations (Truth, Reconciliation and Reparations CommissionTRRC). Les onze commissaires qui la composent ont pour mandat de faire la lumière sur les nombreuses exactions qui ont eu lieu sous la présidence de Yahya Jammeh, entre 1994 et 2017. Débutées en 2019, les auditions de la TRRC sont suivies par de nombreux Gambiens. Elles ont jusqu’à présent permis d’éclairer des zones sombres du passé, grâce aux témoignages de victimes, de témoins et d’insiders de l’ancien régime. Le mandat de la TRRC a récemment été prolongé jusqu’au printemps 2021.

Torture, exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées, violences sexuelles… les violations des droits humains commises sous le régime de Yahya Jammeh sont nombreuses. ©Audrey Oettli/ TRIAL International

Pour TRIAL International, dont l’implication dans le contexte gambien a débuté avec la procédure contre l’ancien ministre de l’Intérieur Ousman Sonko, les auditions de la TRRC sont d’un grand intérêt. L’organisation a en effet aussi enquêté sur le massacre par les « Junglers », ces membres d’un escadron de la mort sous les ordres de l’ex président, d’une cinquantaine de migrants ouest-africains en 2005. Elle a aussi soutenu la procédure contre l’un d’entre eux, Michael Sang Correa, actuellement dans l’attente de son procès devant un tribunal de district au Colorado.

Torture, exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées, violences sexuelles… les violations des droits humains commises par l’appareil sécuritaire sous le régime de Yahya Jammeh sont extrêmement nombreuses. Mais les témoignages qui se succèdent révèlent aussi l’identité de certains personnages-clé du régime, et leur implication dans les crimes. Au gré des sessions et des thèmes traités –  l’agence nationale de renseignements, les « Junglers », le « traitement miracle » de l’ex-président contre le VIH ou encore ses « chasses aux sorciers » –, les commissaires reconstituent patiemment le contour des exactions qui ont eu lieu avec l’aval de Jammeh, à la manière d’un puzzle.

La Commission consacre habituellement trois semaines consécutives à ces auditions, divisées par thématiques. Parmi celles qu’il reste encore à la TRRC à couvrir, certaines ont un intérêt particulier pour TRIAL International, comme le massacre des Africains de l’Ouest en 2005, ou les deuxièmes parties des sessions consacrées aux violences sexuelles et basées sur le genre, ainsi qu’aux « Junglers ».

Pour TRIAL International, les auditions de la TRRC sont une source d’information sur le contexte, ainsi que sur les détails des exactions commises en Gambie sous le régime de l’ancien président. Ces éléments viennent ainsi alimenter les enquêtes menées par l’organisation.

Les richesses minières du Sud Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), attisent les violences de (et entre) milices armées. Or l’exploitation illégale ou l’accaparement de ressources naturelles peut mener à de graves crimes contre les populations locales. C’est le cas dans l’affaire Migamba, dont s’est saisie TRIAL International en 2019. En janvier 2021, un chef de milice a été reconnu coupable de crimes contre l’humanité.

Les hommes de la milice Raiya Mutomboki Charlequin ont organisé une série d’attaques contre la population civile de plusieurs villages au Sud Kivu. ©TRIAL International

Les milices Raya Mutomboki sont responsable de nombreuses exactions au Sud Kivu. TRIAL International a elle-même contribué au procès de l’un de ses chefs les plus redoutés en 2019. Mais le Raya Mutomboki se compose d’une multitude de groupuscules, qui tantôt s’opposent, tantôt opèrent conjointement. Dans l’affaire Migamba, c’est la faction Raiya Mutomboki Charlequin qui s’est rendu coupable d’attaques de civils.

 

Attaquer des civils pour exploiter le minerai

Plus précisément, les hommes du général autoproclamé Charlequin Julio – qui a donné son nom au groupe – ont organisé une série d’attaques contre la population civile des villages de Migamba, Bugumbu et Nyamingilingili, (territoire de Mwenga, Sud Kivu). Pendant cinq ans, de 2007 à 2012, ils ont commis des crimes de meurtre, viol, torture, esclavage sexuel et privation de liberté à l’encontre d’une centaine de victimes.

Ce sont les sols de la zone, riches de minerai, qui ont attiré la convoitise du Raiya Mutomboki Charlequin. En attaquant ces villages de manière répétée, ils voulaient contraindre la population à fuir et ainsi s’arroger le contrôle des mines alentours.

 

L’adjoint de Charlequin sur le banc des accusés

Le bras droit du chef de la milice, Takungomo Mukambilwa Le Pouce, a été arrêté en 2020. Il comparait devant les juges pour crimes contre l’humanité. En effet, les crimes commis par le Raiya Mutomboki Charlequin étaient généralisés et systématiques, ce qui pourrait les faire qualifier de crimes internationaux.

En 2019, TRIAL International a commencé à travailler sur le dossier avec une ONG locale. Elle a formé deux avocats qui ont assisté, en décembre 2019, les victimes dans les auditions devant le procureur militaire. Ces deux mêmes avocats représentent les victimes dans le procès, qui s’est ouvert dans les tout premiers jours de 2021.

Le 11 janvier 2021, au terme d’audiences foraines, Takungomo Mukambilwa Le Pouce a été condamné à 20 ans de prison. Il a été reconnu coupable de meurtre, viol, esclavage sexuel, torture, emprisonnement, disparitions forcées et autres actes inhumains constitutifs de crimes contre l’humanité. Plus de 170 victimes se sont vues octroyer des réparations, et le tribunal a également ordonné des mesures de réinstallation des victimes. L’État congolais n’a pas été condamné en solidarité.

 

Le travail de TRIAL International sur ce dossier est mené dans le cadre de la Task Force Justice Pénale Internationale, un réseau informel d’acteurs internationaux qui collaborent afin de soutenir le travail des juridictions militaires congolaises dans l’enquête et la poursuite des crimes de masse en RDC.