Rifaat Al-Assad est militaire de carrière et homme politique syrien. Il est le frère cadet de l’ancien président de la Syrie, Hafez Al-Assad, dont il a largement contribué à la prise de pouvoir en 1970. Il est l’oncle de l’actuel président Bachar Al-Assad.

Très proche du pouvoir dans les années 1980, il a été membre du commandement régional du parti Baath et a commandé les « Brigades de Défense », les troupes d’élites de défense du régime syrien, de 1971 à 1984.

Perçu par beaucoup comme successeur probable de son frère aîné, il a par la suite été soupçonné d’une tentative de coup d’Etat contre ce dernier et contraint à l’exil en 1984. Il a depuis vécu dans plusieurs pays d’Europe où il a investi une large fortune personnelle.

En juin 2016, il a été mis en examen en France pour recel de détournement de fonds publics, blanchiment et travail dissimulé pour des salaires d’employés non déclarés. Des biens lui appartenant, à hauteur de millions d’euros, ont été saisis en France, en Espagne et au Royaume-Uni.

Le 9 septembre 2021, la cour d’appel de Paris a confirmé la condamnation de Rifaat al-Assad à quatre ans d’emprisonnement pour s’être frauduleusement constitué en France un patrimoine évalué à 90 millions d’euros.

En octobre 2021, Rifaat al-Assad a fui l’Europe pour retourner en Syrie malgré les procédures en cours à son encontre et la surveillance judiciaire dont il faisait l’objet en France. L’enquête devant le MPC se poursuit malgré tout.

 

Les faits

Les « Brigades de défense » de Rifaat Al-Assad auraient participé à deux carnages restés dans l’histoire.

D’une part, le massacre de la prison de Tadmor (ou Palmyre), qui aurait été perpétré par les Brigades de Défense, vraisemblablement en représailles à une tentative d’assassinat du Président Hafez Al-Assad.

Le 27 juin 1980, les Brigades de Défense dirigées par Rifaat Al-Assad ont attaqué la prison de Tadmor, à quelques 200 kilomètres au nord-est de la capitale. Dès leur arrivée, elles ont fait irruption dans les cellules de la prison et y ont tué pratiquement tous les prisonniers. Environ 1’000 personnes suspectées d’être membres de l’opposition auraient été sauvagement assassinées.

D’autre part, le martyre de la ville de Hama en février 1982. Suite à la prise de contrôle de Hama par le groupe armé de l’Avant-garde combattante des Frères musulmans, le gouvernement de Hafez Al-Assad a mobilisé plusieurs milliers d’hommes, dont les Brigades de Défense.

Les forces gouvernementales ont encerclé et bombardé la ville. L’Avant-Garde combattante, ainsi que de nombreux individus ayant pris spontanément les armes, ont tenté de résister. Rapidement, la population civile a été prise au piège au sein de sa propre ville, coupée d’approvisionnement, de nourriture et d’électricité pendant près de 4 semaines.

Selon les sources, 10’000 à 40’000 personnes (majoritairement des civils) auraient perdu la vie, et une partie de la ville aurait été détruite, dont un quartier de la vieille ville qui aurait été pratiquement entièrement rasé.

A Tadmor comme à Hama, les témoignages et sources historiques concordent sur l’implication dans ces crimes des Brigades de Défense. Plusieurs sources impliquent directement Rifaat Al-Assad dans la planification et l’exécution des massacres.

 

Procédure

En novembre 2013, TRIAL International a été alertée de la présence en Suisse de Rifaat Al-Assad. L’organisation a mené des recherches et, face aux graves soupçons qu’elle a révélé, a déposé devant le Ministère public de la Confédération (MPC) une première dénonciation pénale concernant le massacre de Hama. Le MPC a ouvert une enquête pénale en décembre 2013 pour crimes de guerre. En août 2014, une partie plaignante s’est jointe à la procédure.

En septembre 2015, le prévenu étant à nouveau à Genève, TRIAL International et l’avocat de la partie plaignante ont sollicité des autorités qu’elles appréhendent le prévenu. Face à leur refus, la partie plaignante a déposé une demande de mesures provisionnelles auprès du Tribunal pénal fédéral, qui deux jours après a ordonné aux MPC d’entendre le prévenu.

En 2016 et 2017, TRIAL International a déposé plusieurs compléments de dénonciation, notamment pour les crimes commis cette fois à la prison de Tadmor. Elle joint à cette dénonciation une centaine de preuves documentaires et une liste de témoins prêts à être entendus.

Au cours de la procédure, six autres victimes se sont jointes à l’affaire. Certaines ont été directement témoin des atrocités. Étant donné l’impunité totale qui règne en Syrie, les enquêtes en Suisse pourraient constituer leur seule chance d’obtenir justice.

En juin 2020, Rifaat al-Assad a été condamné en France pour blanchiment d’argent et recel de fonds publics en Syrie. Il a reçu une peine de quatre ans de prison et les autorités françaises ont confisqué plusieurs de ses propriétés qui valaient des millions. M. al-Assad a fait appel de la décision. Le jugement devrait être prononcé en 2021.

 

Contexte

De 1979 à 1982, le régime du clan Al-Assad a affronté l’Avant-garde combattante des Frères musulmans.

Fondée à la fin de la seconde guerre mondiale, la branche syrienne des Frères musulmans, émanation de la confrérie mère d’Egypte, est devenue la première force d’opposition à Hafez al-Assad après son accession au pouvoir.

Le régime, sous l’impulsion notamment de Rifaat Al-Assad, a mis en place une politique de répression qui s’est transformée en conflit ouvert avec les Frères musulmans. A la fin des années 1970, les affrontements entre le régime et la branche armée des Frères musulmans ont conduit à un conflit armé qui a culminé avec la destruction de la ville de Hama, en 1982.

Les exactions commises à Hama et Tadmor sont directement liées au conflit armé non international en cours dans le pays. Les actes qui y ont été commis doivent par conséquent être qualifiés de crimes de guerre:

  • meurtres
  • punitions collectives
  • bombardement de civils
  • exécutions collectives
  • actes de torture
  • viols
  • pillage
  • destructions de lieux de cultes  et d’hôpitaux

 

Les blessures liées à la guerre sont difficiles à surmonter tant d’un point de vue psychologique que sociétal. Adisa Fišić Barukčija conseillère juridique et chargée de communication, s’intéresse à l’art comme un moyen de panser ces blessures, malheureusement encore trop peu utilisé.

 

 

Risquer sa vie pour un moment de liberté

Il est difficile d’imaginer que des personnes risquent leur vie pour assister à la projection d’un film. Pourtant, c’est bien ce qui est arrivé durant le siège de Sarajevo tandis que les bombes pleuvaient quotidiennement.

Malgré la violence omniprésente, la vie culturelle est restée palpitante durant la guerre en Bosnie-Herzégovine : des centaines de concerts, pièces de théâtre et autres évènements culturels se sont multipliés dans des lieux improvisés à Sarajevo. Ces évènements culturels représentaient pour les habitants un espace neutre où, pendant un court instant, ils pouvaient échapper à leur terrible situation.

 

L’art-thérapie : un havre de guérison

Après la guerre, des survivants traumatisés ont participé à des thérapies artistiques et créatives. Les personnes souffrant de blessures psychologiques trouvent souvent difficile de parler de leurs expériences oralement, et ceci même en présence d’un thérapeute. L’art-thérapie a prouvé son efficacité justement car elle ne requiert pas de parole.

Elle peut aussi aider les personnes dont les souvenirs sont refoulés. Certaines personnes n’arrivent pas à se remémorer les évènements dérangeants auxquels elles ont été exposées. L’art-thérapie peut être un moyen de faire remonter ces souvenirs à la surface pour aider à la guérison.

 

L’art et la culture rapprochent les gens

Des décennies après le conflit, cette période continue d’inspirer nombre d’artistes tant les divisions restent une réalité dans la Bosnie-Herzégovine d’aujourd’hui. Les enfants, même s’ils n’ont pas vécu la guerre, ont grandi avec des récits destructeurs qui ont façonné leur vision du passé, en exacerbant les divisions.

Quand le Festival du film de Sarajevo a été créé à la fin de la guerre, un de ses buts était de faciliter le dialogue entre les communautés. Les organisateurs sont à l’origine d’un programme intitulé Dealing with the past (« Gérer le passé ») qui donne à tous les partis au conflit la possibilité de partager des récits personnels. Comprendre la souffrance de l’autre est essentiel pour favoriser l’empathie entre les communautés et améliorer leurs interactions.

Généralement, les pays sortant d’un conflit se focalisent sur la sécurité et la protection sociale au détriment de la culture. Mais l’art ne devrait pas être négligé, car il a le pouvoir d’offrir un espace de questionnement, de dialogue et, espérons-le, de réconciliation.

 

Adisa Fišić Barukčija, Conseillère juridique et chargée de communication à Sarajevo
@AdisaFisic

 

Les révélations sur l’enquête de TRIAL International

Genève, le 25 septembre 2017 – Un collectif d’avocats a rendu public l’existence d’une procédure pénale en Suisse visant Rifaat Al-Assad pour des crimes de guerre commis dans les années 1980 en Syrie. TRIAL International confirme avoir dénoncé l’ancien vice-président syrien à la justice au terme d’une enquête approfondie. Un dossier solide est entre les mains du Ministère public de la Confédération (MPC), qui doit maintenant mener à son terme une procédure exemplaire et historique.

Depuis 2013 et suite à une dénonciation pénale de TRIAL International, Rifaat Al-Assad fait l’objet d’une enquête en Suisse pour crimes de guerre. Mais quatre ans plus tard, l’ONG s’inquiète de l’enlisement de l’affaire, malgré les multiples éléments de preuves qu’elle a apporté. Ce matin, les avocats des parties plaignantes ont publiquement interpellé le MPC, dénonçant un déni de justice pour leurs clients ; tous sont des victimes directes de la barbarie du régime syrien.

 

TADMOR ET HAMA : DEUX CARNAGES RESTES DANS L’HISTOIRE

Qui est Rifaat Al-Assad ? Personnage éminent de l’échiquier politique syrien, l’oncle de l’actuel président Bachar Al-Assad a notamment commandé les Brigades de Défense, les troupes d’élite du pays dans les années 1980. Sous son commandement, elles sont soupçonnées d’avoir participé au massacre de plusieurs milliers de personnes à Tadmor et à Hama.

Le 27 juin 1980, en plein conflit armé, les Brigades de Défense prennent d’assaut la prison de Tadmor, dans la région de Palmyre. Faisant irruption dans les cellules, les hommes de Rifaat Al-Assad massacrent méthodiquement près de 1 000 prisonniers, selon diverses estimations.

Deux ans plus tard, la ville de Hama se soulève contre le régime. Les forces gouvernementales, dont les Brigades de Défense, attaquent la ville en représailles. La population civile est prise au piège, coupée d’approvisionnement et d’électricité pendant près d’un mois. Les exactions contre les civils auraient fait, selon les sources, entre 10 000 et 40 000 morts.

Exécutions, bombardements, tortures, viols, pillages : malgré l’ampleur des crimes, aucun responsable n’a jamais eu à répondre de ses actes. Rifaat Al-Assad, en exil depuis 1984, a longtemps voyagé librement et investi une vaste fortune personnelle en Europe.

 

QUATRE ANS D’ENQUÊTE

En 2013, l’ouverture de l’enquête du MPC avait ravivé les espoirs des victimes de voir Rifaat Al-Assad jugé et puni. Pendant les quatre années suivantes, TRIAL International a mené des enquêtes dans huit pays et fourni au MPC des dizaines d’éléments de preuves et de témoignages. En écumant quantité d’archives, l’ONG a aussi transmis au MPC des documents issus des services secrets et d’ambassades de plusieurs pays. L’organisation a enfin retrouvé plusieurs anciens combattants syriens, tous prêts à témoigner.

« Les preuves accumulées sont accablantes et s’accordent sur la responsabilité de Rifaat Al-Assad dans les massacres de Tadmor et Hama. Elles démontrent également la brutalité sans bornes de ses troupes ainsi que son souhait d’éradiquer purement et simplement l’opposition », note Bénédict de Moerloose, avocat en charge des enquêtes pour TRIAL International.

 

LA SUISSE DOIT FAIRE PREUVE DE COURAGE

Les victimes qui ont porté plainte en Suisse sont aujourd’hui amèrement déçues, et leurs avocats pointent « de graves manquements dans la procédure tels que l’annulation d’audiences, le refus d’interpeler et d’entendre le prévenu (…) voire une volonté d’enterrer l’affaire. »

Pourtant, en vertu du principe de compétence universelle, la Suisse a l’obligation de poursuivre les auteurs de crimes de guerre se trouvant sur leur territoire – et ce quels que soient le lieu des crimes et la nationalité des auteurs.

« L’inertie du MPC foule au pied les engagements internationaux de la Suisse, pourtant garante des Conventions de Genève » regrette Philip Grant, directeur de TRIAL International. « En outre, elle envoie un message dangereux aux belligérants d’aujourd’hui en Syrie. Ceux-ci doivent comprendre, sans aucun doute possible, que la justice peut les rattraper. »

 Soupçonné de malversations financières, Rifaat Al-Assad a récemment vu ses biens saisis à hauteur de centaines de millions d’euros en France, en Espagne et au Royaume Uni. La Suisse a maintenant une occasion historique de le poursuivre pour des crimes de sang. Pour les milliers de victimes en Syrie, le MPC doit avoir le courage de mener cette procédure à son terme et de préparer le procès de Rifaat Al-Assad.

 

TRIAL International tiendra un point presse sur l’affaire le mardi 26 septembre 2017 à 9h (UTC +2) à la Maison des Associations de Genève, salle Rachel Carson.
Voir sur le plan 

En 2017, TRIAL International et l’ONG WITNESS ont mis sur pied une formation unique en RDC : comment utiliser la vidéo pour lutter contre l’impunité.

Alors que TRIAL International enseigne habituellement des notions purement juridiques, c’est la première fois que l’ONG propose une formation dédiée aux technologies de l’information à des fins judiciaires.

Des avocats congolais ont ainsi appris à documenter et collecter des preuves de crimes internationaux, armés simplement de leurs caméras ou smartphones.

Le contenu de cette formation, les impressions des participants et les commentaires des organisateurs sont à retrouver sur Storify.

 

Aux représentants permanents des États membres et des Observateurs permanents du Conseil des droits de l’homme de l’ONU : Renouveler le mandat de la Commission d’enquête sur le Burundi et établir la responsabilité des crimes graves commis.

Excellences,

Nous, les organisations de la société civile soussignées, vous écrivons pour vous demander de soutenir une résolution renouvelant le mandat de la Commission d’enquête des Nations Unies sur le Burundi (la Commission), et d’appeler le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (le Conseil) à explorer pendant sa 36ème session toutes les options pour assurer la responsabilité des crimes documentés par la Commission y compris, conformément à sa recommandation, l’ouverture d’une enquête par la Cour pénale internationale (CPI), dont le Bureau du Procureur a annoncé l’ouverture d’un examen préliminaire le 25 avril 2016. En outre, nous sollicitons le Conseil de demander la suspension du Burundi du Conseil ou, au minimum, de demander explicitement à l’Assemblée générale d’examiner la question conformément à l’OP8 de la résolution 60/251 de l’Assemblée générale.

La Commission a confirmé la persistance des violations graves des droits de l’homme depuis avril 2015, y compris les exécutions extrajudiciaires, les arrestations et détentions arbitraires, la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants, les disparitions forcées et les violences sexuelles perpétrés principalement par le Service national des renseignements (SNR), les membres des Imbonerakure, la ligue de jeunes affiliée au parti au pouvoir, la police et l’armée. La Commission a confirmé qu’elle avait des motifs raisonnables de croire que plusieurs des violations documentées constituent des crimes contre l’humanité.

Depuis le début de la crise, les organisations de défense des droits de l’homme et les médias indépendants du Burundi, autrefois dynamiques et s’exprimant haut et fort, ont été décimés et forcés à l’exil. La Commission a exprimé ses préoccupations au sujet des discours de haine prononcés par les autorités burundaises et les membres du parti au pouvoir visant à intimider et parfois déshumaniser leurs adversaires. Bien qu’ils ne constituent pas une incitation directe et publique à commettre un génocide, ils contribuent à «instaurer un climat de haine dangereux et à terroriser la population, et pourraient raviver des tensions ethniques». Les violations ont continué sans relâche et en toute impunité.

La Commission d’enquête sur le Burundi a été créée par la résolution 33/24 du Conseil, adoptée le 30 septembre 2016, afin de mener une enquête approfondie sur les violations des droits de l’homme commises depuis avril 2015 au Burundi, d’identifier les auteurs présumés et de fournir des recommandations pour garantir que les auteurs soient tenus responsables. Le gouvernement du Burundi a refusé de coopérer avec la Commission et a suspendu sa coopération avec le bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme dans le pays. Compte tenu du refus persistant du Burundi de coopérer avec le Conseil et des violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme qui se produisent dans le pays, nous invitons les membres du Conseil à prendre des mesures visant à suspendre le Burundi du Conseil.

La CPI a analysé les actes de tuerie, d’emprisonnement, de torture, de viol et autres formes de violence sexuelle, ainsi que les cas de disparitions forcées qui auraient été commis depuis avril 2015 au Burundi. Peu de temps après la création de la Commission, l’Assemblée nationale et le Sénat du Burundi ont rapidement approuvé un projet de loi le 12 octobre 2016 pour se retirer de la CPI et le 27 octobre 2016, le Secrétaire général de l’ONU a reçu notification officielle du retrait du Burundi du Statut de Rome. Le retrait prendra effet le 27 octobre 2017, mais n’affecte pas son obligation de coopérer pleinement avec la CPI sur les enquêtes et procédures pénales engagées avant la date à laquelle le retrait prendra effet.

Le gouvernement du Burundi a failli à sa responsabilité de garantir que les auteurs de crimes brutaux soient tenus responsables et en se retirant de la CPI, il tente de priver de justice les victimes. Compte tenu de la gravité des violations des droits de l’homme au Burundi, nous vous exhortons à soutenir une résolution au cours de la 36ème session qui renouvelle le mandat de la Commission d’enquête, appelle à de nouvelles mesures pour assurer la justice pour les victimes et engage une action visant à la suspension du Burundi en tant que membre du Conseil.

Cordialement,

  1. Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture – Burundi (ACAT-Burundi)
  2. Assistance Mission for Africa
  3. Association Burundaise pour la Protection des Droits Humains et des Personnes Détenues (APRODH)
  4. Association for Human Rights in Ethiopia (AHRE)
  5. Centre for Civil and Political Rights (CCPR)
  6. CIVICUS
  7. Coalition Burundaise pour la Cour Pénale Internationale (CB-CPI)
  8. Community Empowerment for Progress Organisation South Sudan (CEPO)
  9. DefendDefenders (the East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project)
  10. Eritrean Law Society (ELS)
  11. Eritrean Movement for Democracy and Human Rights (EMDHR)
  12. Forum pour la Conscience et le Développement (FOCODE)
  13. Forum pour le Renforcement de la Société Civile au Burundi (FORSC)
  14. Global Centre for the Responsibility to Protect (GCR2P)
  15. Human Rights Concern – Eritrea (HRCE)
  16. Human Rights Institute of South Africa (HURISA)
  17. Human Rights Watch (HRW)
  18. Information Forum for Eritrea (IFE)
  19. International Commission of Jurists (ICJ)
  20. International Federation for Human Rights (FIDH)
  21. International Federation of Action by Christians for the Abolition of Torture (FIACAT)
  22. International Service for Human Rights (ISHR)
  23. International Youth for Africa
  24. Ligue Iteka
  25. Mouvement des Femmes et des Filles pour la Paix et la Sécurité (MFFPS)
  26. National Coalition of Human Rights Defenders – Kenya
  27. National Coalition of Human Rights Defenders – Uganda
  28. Pan Africa Human Rights Defenders Network
  29. Réseau des Citoyens Probes (RCP)
  30. SOS-Torture
  31. Tanzania Human Rights Defenders Coalition (THRDC)
  32. The Ecumenical Network for Central Africa (ÖNZ)
  33. TRIAL International
  34. Union Burundaise des Journalistes (UBJ)
  35. World Organisation Against Torture (OMCT)

Le 14 septembre 2017 – Le Comité de l’ONU contre la torture vient de condamner la Tunisie pour les sévices infligés à Rached Jaïdane et accuse l’Etat d’avoir violé la Convention contre la torture en laissant ces faits impunis. Une décision majeure, dans un contexte où la justice transitionnelle semble piétiner et être sérieusement menacée par un gouvernement enclin à faire table rase des crimes du passé.

Dans les mois suivant la révolution de janvier 2011, les autorités tunisiennes n’ont eu de cesse de le répéter : le temps de la justice était venu ! Les victimes torturées sous les règnes de Bourguiba et de Ben Ali étaient invitées à porter plainte avec la garantie de ne pas voir les faits prescrits. Pourtant, six ans plus tard, l’impunité quasi-généralisée témoigne de la volonté des autorités d’enterrer les faits à coup de procès bâclés et de manœuvres juridiques fallacieuses.

Le cas de Rached Jaïdane – à qui le Comité vient de donner raison contre la justice tunisienne – en est un parfait exemple. Ce professeur d’université, soupçonné d’avoir fomenté un attentat, a été arrêté en 1993, torturé et condamné à 26 ans de prison à l’issue d’un procès de 45 minutes. Libéré en 2006, il lui a fallu attendre la révolution pour déposer plainte. Appuyé par le programme d’assistance directe SANAD de l’OMCT et par l’ACAT, Rached s’est confronté à une enquête bâclée et un procès marqué par d’innombrables reports. En avril 2015, la justice a rendu son verdict : les juges ont déclaré les faits prescrits et ont ainsi relaxé les accusés. Seul Ben Ali a été condamné à cinq ans d’emprisonnement, à la faveur d’une incohérence juridique.

Par ce jugement, la justice tunisienne a non seulement anéanti les espoirs de justice de Rached Jaïdane, mais plus généralement refermé la chape de plomb sur les crimes du passé subis par des milliers de concitoyens tunisiens.

La décision du Comité contre la torture, rendue à la suite d’une plainte déposée par l’ACAT et TRIAL international, s’inscrit à l’encontre de ce verdict. Elle est lourde de sens et d’exigences vis-à-vis de la justice tunisienne. Tout en rappelant à la Tunisie l’ « obligation (…) d’imposer aux auteurs d’actes de torture des peine appropriées eu égard à la gravité des actes », le Comité :

  • indique que la justice tunisienne ne peut nullement retenir la prescription comme elle l’a fait dans l’affaire Jaïdane ;
  • exige, dans les cas où les juges ne pourraient qualifier juridiquement de torture des actes commis avant 1999 (date d’incrimination de la torture dans le Code pénal), qu’ils retiennent une qualification reflétant la gravité des faits et permettant des poursuites.

Un appel clair à rompre avec les pratiques d’impunité qui, au-delà de la douleur qu’elles infligent aux victimes, constituent un blanc-seing donné aux forces de sécurité tunisiennes qui continuent aujourd’hui fréquemment de recourir à la torture et aux mauvais traitements.

L’ACAT, l’OMCT et TRIAL international appellent l’Etat tunisien à honorer ses obligations internationales en prenant toutes les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre effective de cette décision, qui, selon Rached Jaïdane, « rétablit enfin la vérité. Elle est une première victoire contre l’impunité et un premier pas sur le long chemin de ma réhabilitation. J’espère que le Comité m’aidera ainsi à recouvrer mes droits et à faire condamner mes tortionnaires. »

RAPPEL : L’affaire Rached Jaïdane

En 1993, Rached Jaïdane, enseignant à l’Université en France, se rend en Tunisie pour un mariage. Le 29 juillet, une quinzaine d’agents de la Sûreté de l’Etat en civil l’interpellent à son domicile, sans mandat. Suspecté de fomenter un attentat contre le RCD, le parti au pouvoir, il est conduit au ministère de l’Intérieur et interrogé. Dix-sept heures d’affilée, les équipes de tortionnaires se relaient pour lui faire subir d’atroces tortures : coups de poings, de pieds et de matraques sur tout le corps, la tête et les organes génitaux, sévices sexuels, électrocutions, supplice de la baignoire, écrasement des doigts. Coups et sévices de moindre intensité se poursuivent ensuite pendant plusieurs semaines afin de le contraindre à signer des aveux qu’il n’a pas même le droit de lire.

Le 20 juin 1996, après trois ans d’emprisonnement arbitraire, Rached Jaïdane et onze autres accusés sont condamnés à 26 ans de prison lors d’un procès de 45 minutes.

Rached Jaïdane est libéré en février 2006, après 13 années de mauvais traitements. Il continue de souffrir de graves séquelles physiques et psychologiques de la torture.

ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture)
OMCT (Organisation mondiale contre la torture)
TRIAL International

Lire aussi:
Rached Jaïdane: victime de torture

Les tortionnaires tunisiens au banc des accusés

Après des résultats encourageants au Sud-Kivu, TRIAL International et ses partenaires ont tourné leur attention vers une nouvelle zone de non-droit : la province du Katanga, où les ethnies s’affrontent au détriment de la population civile.

 

Un op-ed de Daniele Perissi

Ces derniers mois, la région du Katanga a fait les gros titres. En effet, la résurgence d’un conflit entre Bantu et Pygmées a mis la région à feu et à sang… dans l’impunité la plus totale.

Pour répondre à cette crise, la MONUSCO (la mission des Nations Unies en RDC) a déployé ses activités de maintien de la paix dans la région. Elle a également fait appel à ses partenaires, dont TRIAL International, pour l’assister dans le renforcement de l’état de droit.

 

Une première expérience mitigée

TRIAL International est intervenue au Katanga pour la première fois en 2016 dans le cadre d’un procès pour génocide. Plus précisément, elle a aidé les avocats des victimes à récolter les preuves pour prouver l’existence de crimes internationaux.

Malgré un verdict en demi-teinte, cette affaire a créé un précédent national. Pour la première fois, une juridiction civile (et non militaire) a jugé des crimes de masse. Plus important encore : le procès a contribué à un accord de non-agression entre Pygmées et Bantu en février 2017.

L’accord est aujourd’hui caduc et les deux camps ont repris les armes. Mais cela prouve que construction de la paix et lutte contre l’impunité avancent main dans la main.

 

En matière de justice, tout est à construire

Les acteurs nationaux et internationaux qui partagent ce constat viennent de former une coalition comparable à la Task Force implantée au Sud-Kivu, et aux objectifs similaires : renforcer le pouvoir judiciaire pour prévenir des atrocités futures.

La tâche est titanesque. Le Katanga fait dix fois la taille de la Suisse et ne comptent qu’une poignée de tribunaux. Des zones entières sont hors d’atteinte de la justice, et même des forces de l’ordre. En matière de lutte contre l’impunité, tout est à construire.

Pour initier un changement, il nous faudra former les avocats et les magistrats, renforcer les capacités d’enquête du parquet, et informer les victimes de leurs droits. La première étape de ce processus a été de former, en mai dernier, une vingtaine d’avocats. Une deuxième session est prévue à la fin de l’année.

Le chemin sera long et TRIAL aura besoin de tous ses partenaires, locaux et internationaux. Mais à la clé, la plus belle des récompenses : des victimes debout, confiante en la justice et prêtes à lutter pour leurs droits.

Daniele Perissi, Responsable du programme RDC
@DPerissi

 

Plus de 3 000 mineurs ont été recrutés de force pendant la guerre civile. Vingt ans plus tard, ils restent toujours en marge du difficile processus de justice transitionnelle népalais.

Les anciens enfants soldats continuent de payer le prix du conflit auquel ils ont été contraints de participer. Un total manque d’accompagnement post-conflit a aggravé leurs blessures psychologiques, entraînant des taux de suicide très élevé.

Beaucoup sont illettrés (car ils ont passé leur enfance à combattre) et peinent à trouver un emploi. Plus grave encore, ils sont largement stigmatisés et sont rarement considérés comme des victimes du conflit. La loi népalaise, qui ne criminalise pas le recrutement d’enfants mineurs au combat, renforce cette perception répandue.

Constat tragique, ces maux sont à la fois les causes et les conséquences du manque d’accès à la justice des anciens enfants soldats. En grand détresse psychologique et économique, peu soutenus par la société civile et victimes d’une discrimination généralisée, les anciens enfants soldats ne parviennent pas à faire valoir leurs droits. A l’inverse, c’est parce qu’ils n’ont jamais obtenu de réparations (sous forme de mesures de réhabilitation) qu’ils restent parmi les groupes les plus vulnérables au Népal.

 

Des outils pour lutter

Pour rapprocher les anciens enfants soldats du système judiciaire, TRIAL International leur apprend à défendre leurs droits aux niveaux national et international. Dans une formation unique en son genre, des outils techniques, pratiques et stratégiques sont développés avec d’anciens enfants combattants.

« Il est crucial qu’ils demeurent acteurs du processus si nous voulons induire un changement durable », explique Lucie Canal, responsable intérimaire du programme Népal. « Nous avons conçu le programme de formation autour de deux compétences essentielles et complémentaires : la documentation et le plaidoyer. »

 

Une double approche

Au cours de la première session, les stagiaires apprennent des techniques de documentation avant de les mettre en œuvre dans une affaire réelle. En plus d’une base factuelle qui servira devant les tribunaux, l’activité de documentation donne aux anciens enfants soldats une plateforme pour raconter leur vécu. Cette narration par les principaux intéressés pourrait mettre fin aux idées reçues, et contribuer à la reconnaissance officielle des enfants soldats comme des victimes du conflit.

La deuxième session de la formation se concentrera sur les techniques de plaidoyer national et international : la préparation et la soumission de rapports aux organes des Nations Unies, l’organisation de réunions avec les autorités nationales et les briefing avec la communauté internationale au Népal seront abordés. Certaines de ces tâches seront ensuite entreprises par les participants, sous la supervision de leur formateur.

 

*Le projet est soutenu par l’ambassade allemande au Népal.

Le Procureur du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a rencontré TRIAL International lors d’une visite à Sarajevo. L’occasion pour notre équipe basée en Bosnie-Herzégovine de lui poser quelques questions.

BiH team meet ICTY Prosecutor Serge Brammertz in Sarajevo, May 2017
L’équipe TRIAL en Bosnie rencontre le Procureur Serge Brammertz à Sarajevo, Mai 2017. ©TRIAL International

Pourriez-vous partager un ou deux moments marquants de votre parcours ?

Les affaires contre Radovan Karadzic and Ratko Mladic ont compté parmi les plus grands défis de mon mandat en tant que Procureur général du TPIY. Le moment où Karadzic et Mladic ont été arrêtés, en juillet 2008 et mai 2011 respectivement, ont été extrêmement importants.

 Ces arrestations ont eu lieu alors que les discussions sur la fermeture du TPIY avaient déjà commencé. Karadzic était en fuite depuis près de 13 ans et Mladic près de 16 ans. Tout espoir semblait perdu. Tout le monde était pessimiste quant à leurs chances d’être arrêtés.

 Quand j’ai été informé que les opérations d’arrestation avaient réussi, j’ai eu le sentiment que quelque chose d’important avait été réalisé. Pas juste pour le Tribunal, pour terminer ce que nous avions commencé. Mais aussi pour la justice internationale, parce que cela prouvait clairement que personne n’échappe à la loi. Et surtout, leur arrestation a marqué un jour important pour les victimes qui ont attendu si longtemps de voir Karadzic et Mladic enfin traduits en justice. Ce n’est pas une exagération de dire que ces arrestations nous ont redonné de l’espoir. Depuis lors, nous savions que nous pourrions rendre justice aux victimes de manière significative. 

 

Comment voyez-vous la situation des droits des victimes en Bosnie-Herzégovine, et son développement ?

Au cours des 25 dernières années, le TPIY a obtenu des résultats incroyables en matière d’établissement de la vérité sur les conflits. Nous avons inculpé 161 individus et plus aucun n’est en fuite.  Nous avons obtenu 81 condamnations et poursuivi des individus issus de toutes les parties au conflit, y compris les plus hauts placés sur l’échiquier politique et militaire. Nous avons prouvé que de hauts responsables ont planifié et mis en œuvre des campagnes de nettoyage ethnique. Nous aurions pu faire mieux dans certains domaines, mais le Tribunal a sans aucun doute posé des bases solides sur lesquelles bâtir.

 La justice pour les crimes de guerres semble avancer dans la bonne direction en Bosnie-Herzégovine. Mais trop de victimes attendent justice encore aujourd’hui. 335 affaires complexes et 450 affaires moins complexes ont été menés à terme jusqu’à présent. Mais il reste une quantité considérable de travail à abattre, avec encore environ 5 000 suspects sur lesquels enquêter.

Nous avons besoin d’une justice plus exhaustive, c’est-à-dire qui poursuive tous les suspects de crimes indépendamment de leur appartenance ethnique ou de celle de leurs victimes.

 

Quels défis persistent en ce qui concerne les droits des victimes en Bosnie-Herzégovine ?

Il reste aujourd’hui de nombreux défis dans ce domaine. En plus du grand nombre d’affaires encore en cours, l’un des plus gros problèmes est que ces crimes continuent d’être largement niés, que certains faits établis ne sont pas acceptés et que des criminels de guerre sont glorifiés dans toutes la région. Inutile de préciser que la situation actuelle menace la réconciliation et même une paix durable. C’est aussi une insulte aux victimes.

 La justice pour les victimes demande aussi que les personnes disparues pendant le conflit soient localisées et identifiées. Mais aujourd’hui, trop de survivants dans la région ignorent ce qu’il est advenu de leurs proches. Enfin, le parcours est encore aujourd’hui semé d’embuches pour les victimes de guerre qui cherchent à obtenir des compensations.

 

Comment évaluez-vous la situation en Bosnie-Herzégovine concernant le transfert des poursuites entre le TPIY et les cours nationales ?

La poursuite de crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine est sur la bonne voie, avec un nombre croissant d’affaires complexes en cours d’enquête ou de poursuite, y compris des affaires concernant des suspects de haut-rang ou de moyen-rang et des affaires de violences sexuelles en temps de conflits.

Avec la fermeture du TPIY à la fin de l’année, il reviendra aux cours nationales seules de poursuivre notre travail. La tâche qui attend les pays de la région, et particulièrement la Bosnie-Herzégovine, est immense. Mais mon Bureau continuera de soutenir les systèmes judiciaires pour s’assurer que justice sera faite.

 

Maintenant que le TPIY est sur le point de fermer, quel message voudriez-vous adresser aux praticiens du droit sur le terrain ?

A l’heure où les politiciens et les personnalités publiques dans la région jouent la carte de la glorification des criminels de guerre, du déni des crimes et du révisionnisme, les praticiens du droit ont un rôle crucial à jouer.

 Qu’ils soient juges, enquêteurs ou procureurs, ils doivent rester solidaires dans leur engagement pour une justice indépendante et impartiale pour toutes les victimes. Le fait que l’environnement politique actuel ne soit pas favorable aux poursuites des crimes de guerre ne doit pas les empêcher de faire avancer le processus de justice.  

 Un autre problème majeur aujourd’hui est que les écoliers dans la région, y compris en Bosnie-Herzégovine, apprennent des faits différents sur leur passé commun. Pour que la paix et la réconciliation aient une chance de s’implanter dans la région, des efforts doivent être entrepris de toute urgence pour que les jeunes générations apprennent à l’école ce que les tribunaux ont prouvé.

 

Lire l’Op-Ed de Selma Korjenic sur le TPIY

 

Que le Mexique soit aux prises d’une grave crise des droits humains est de notoriété publique. Mais un groupe de victimes est encore trop souvent ignoré : les enfants. Aujourd’hui, TRIAL International et une coalition d’ONG locales dénoncent leur situation au Groupe de travail sur les disparitions forcée ou involontaires (GTDFI).

 

Plus de 5 500 enfants et adolescents âgés de 0 à 17 ans ont été victimes de disparitions forcées au Mexique depuis 2006. Ils représentent 18% du nombre officiel de disparus. Un pourcentage impressionnant, mais qui pourrait être encore bien en-deçà de la réalité.

Ce chiffre couvre des situations très variées : les migrants mineurs qui transitent par le Mexique pour rejoindre les Etats-Unis ; et les disparitions commises par les acteurs étatiques comme non-étatiques. « Mais même quand les acteurs non-étatiques sont responsables, on ne peut jamais exclure une implication directe ou indirecte des agents de l’Etat qui jouissent d’une impunité quasi-totale », pondère Gabriella Citroni, Conseillère juridique principale chez TRIAL International et experte sur les disparitions forcées.

Au-delà des milliers de victimes directes, d’innombrables autres mineurs sont des victimes secondaires des disparitions forcées. En effet, ceux dont les proches ont été disparus voient leur quotidien gravement et durablement affecté.

 

Des besoins spécifiques qui appellent des mesures différenciées

Les droits fondamentaux des mineurs dont les proches sont disparus sont souvent violés. Quand ces personnes disparues assuraient la subsistance de la famille, les mineurs se voient souvent obligés de les remplacer : ils abandonnent alors l’école pour trouver du travail. Leurs droits d’accéder à l’éducation, mais aussi à la santé, à la sécurité sociale et à la propriété sont donc impactés.

Plus de la moitié des victimes mineurs (59%) sont des filles. Des rôles de genre, ancrés dans l’histoire et la tradition, les exposent davantage que les garçons. Elles sont donc nombreuses à quitter l’école pour assumer des responsabilités parentales. Leur vulnérabilité appelle des mesures spécifiques, or les politiques actuelles du Mexique n’incluent aucune composante de genre.

Pour éviter toute forme de re-victimisation, le Mexique doit garantir aux mineurs un accès rapide et complet à des réparations et à une assistance sociale. Ces réparations doivent inclure l’accès la santé, à l’alimentation et à l’éducation, pour éviter que la subsistance des familles repose sur les épaules de ces mineurs. Ces derniers sont également exposés à l’isolement social et à des souffrances psychologiques : le soutien psycho-social est donc également essentiel.

 

Des politiques insuffisantes et inopérantes

Aujourd’hui, le Mexique ne dispose d’aucune politique publique qui protège efficacement les mineurs victimes de disparitions forcées. Deux programmes d’alerte et de recherche existent, mais ils sont rarement utilisés et leur activation est trop complexe.

« Par exemple, l’alerte ne peut être activée que si un risque grave et imminent lié à la disparition de l’enfant peut être prouvé », explique Gabriella Citroni. « Les autorités considèrent souvent que ce critère n’est pas rempli, sans tenir compte de la violence généralisée dans le pays. »

Dans leur rapport au Groupe de travail contre les disparitions forcées ou involontaires (GTDFI), TRIAL International et ses partenaires recommandent notamment la simplification de ces procédures, pour que les recherches des disparus puissent être lancées le plus rapidement possible.

Lire le résumé exécutif (en anglais)
Lire le rapport au GTDFI (en espagnol)

Découvrez l’histoire d’Heber et de Kimberley
Découvrez l’histoire de Marcela

Le TPIY n’aura pas apporté la réconciliation espérée en Bosnie-Herzégovine, mais son influence et son héritage ont posé des bases pour les démarches futures. Une opinion de Selma Korjenic.

 

Le tribunal de la dernière chance

C’est à La Haye (Pays-Bas) que s’est établi le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) en 1993. Son mandat ? Poursuivre les suspects de haut rang et ce, dans toute la région des Balkans. Sa création a nourri l’espoir de milliers de victimes et de leurs familles.

Dès son ouverture, et peut-être même avant, le Tribunal a été accusé d’être, entre autres, politisé, partial et injuste. L’acquittement d’accusés de haut rang il y a quelques années a exacerbé ces critiques. Toutes les parties au conflit ont eu le sentiment d’être jugées trop durement alors que leurs opposants sont jugés avec trop de clémence.

Après 25 ans d’existence, le Tribunal fermera ses portes de façon permanente dans les prochains mois. Même si tout n’était pas parfait, son influence a été capitale dans l’établissement des faits, la reconnaissance des responsabilités individuelles et l’empouvoirement des victimes.

 

Une jurisprudence novatrice

Le TPIY a rendu des décisions importantes sur le génocide, les crimes de guerres et les crimes contre l’humanité. Il était le premier tribunal international depuis Nuremberg en 1946. Sa jurisprudence a ouvert la voie pour le Tribunal pénal international pour le Rwanda, les cours mixtes en Sierra Leone, au Cambodge et au Timor Leste, et plus récemment la Cour pénale internationale.

Le procès de Dusko Tadic, un membre de l’armée républicaine de Srpska, a a été un exemple marquant des succès du TPIY. Il s’agit de la première affaire où des violences sexuelles commises envers des hommes ont été jugées et punies.

Le TPIY a aussi été le premier à poursuivre des violences sexuelles en tant qu’esclavage comme crime contre l’humanité dans le cadre de l’affaire Dragoljub Kunarac et autres. L’année dernière, des charges similaires ont été retenues contre le dictateur tchadien Hissène Habré.

Mais parmi tous les précédents du Tribunal, rien n’est plus important que la voix qu’il a donné aux survivants.

 

Une tribune pour les victimes invisibles

De nombreuses guerres se sont succédées dans les Balkans à travers l’histoire. La guerre des années 1990 n’en est que l’exemple le plus récent et le plus violent. Après chaque conflit, la majorité des crimes n’étaient pas dénoncés, ou uniquement dans les cercles familiaux. Nombreux sont ceux qui souffraient en silence.

Le TPIY a changé cette dynamique. Il a donné aux survivants la possibilité de parler et d’être entendus, encourageant  d’autres à faire de même. De nombreux verdicts de culpabilités ont été rendus grâce à leurs témoignages.

Le Tribunal a initié un mouvement de fond, redonnant à de nombreuses victimes un rôle actif et le contrôle de leur histoire. Il a également encouragé la formation d’associations de victimes, dont le but commun est la recherche de la vérité et de la justice.

 

Les combats futurs 

L’effet de ricochet du TPIY a été particulièrement marqué après 2005, lorsque les affaires ont commencé à être transférées devant les juridictions nationales. Les victimes déjà habituées à s’exprimer se sont organisées, demandant à la Bosnie-Herzégovine de perpétuer les efforts du TPIY. Elles ont également exigé la réalisation de leurs autres droits, comme celui de recevoir des réparations.

Le TPIY a bousculé le rôle passif traditionnellement imposé aux victimes. Il leur a donné la possibilité de construire leur propre narration sur la guerre. En leur donnant la possibilité de s’exprimer, le Tribunal leur a donné le courage de se battre pour leurs droits. Et de ne plus jamais se taire à nouveau.

Selma Korjenic, Responsable du programme BiH
@SelmaKorjenic1

 

En septembre 2015 le village de Musenyi a connu l’horreur absolue : une série de viols et de pillages commis par l’armée congolaise. Cette semaine, le Colonel en charge du bataillon responsable a été condamné pour crimes de guerre par la Cour Militaire du Sud Kivu.

 

L’attaque sur Musenyi

Musenyi est un village situé sur le territoire de Kalehe, dans la province du Sud Kivu, à l’est de la RDC. Entre le 20 et 22 septembre 2015, lors d’une opération militaire contre un groupe armé, la population de Musenyi a été la cible de violentes représailles de la part des militaires FARDC. Le bataillon du 3307ème régiment, placé sous le commandement du Colonel Julius Dhenyo Becker, a systématiquement commis des actes de violences sexuelles et des pillages faisant près de 150 victimes civiles.

 

Un dossier prioritaire

Malgré les menaces et les intimidations, les victimes ont eu le courage de dénoncer ces exactions et de demander justice. Le Colonel Becker a été arrêté fin 2015. Les enquêtes préliminaires des autorités de poursuite et de la MONUSCO ont confirmé l’ampleur des crimes : le dossier a été identifié comme ‘prioritaire’.

En 2016, TRIAL International a formé et soutenu les avocats représentant les victimes de Musenyi afin de mener des missions complémentaires de documentation.

Grace aux preuves récoltées, un procès en audience foraine s’est ouvert à Musenyi le 14 juillet 2017, sous la juridiction de la Cour Militaire du Sud Kivu. De dizaines de victimes, assistées gratuitement par les avocats du collectif coordonné par TRIAL et suivies par un psychologue, ont pu comparaitre et raconter leur histoire devant la Cour.

 

Condamnation pour crimes de guerre

Après deux semaines de procès, la responsabilité pénale du Colonel Becker a été reconnue pour les crimes de guerre (viol et pillage) commis par ses soldats à Musenyi. Condamné à 10 ans de prison, il devra aussi payer, conjointement avec l’Etat congolais, des réparations individuelles de 10’000 $ pour les victimes de viols et 5’000$ pour les victimes de pillage.

« En moins de deux ans, les victimes de Musenyi ont vu les crimes commis à leur égard reconnus et leur bourreau condamné » explique Daniele Perissi, responsable du programme RDC de TRIAL International. « Ce verdict représente une avancée pour la lutte contre l’impunité dans la région. Il est essentiel de faire passer le message que personne, même un officier de haut rang de l’armée, n’est au-dessus de la loi. »

Le 12 juin 2018, la Haute Cour militaire a instruit l’appel de l’affaire à Bukavu.

Le travail de TRIAL International sur les dossiers de crimes internationaux en RDC ne serait pas possible sans le soutien de l’Union européennedu Programme des Nations unies pour le développement, du bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth du gouvernement britannique, du Département fédéral des affaires étrangères suisse et de la Coopération belge au développement.

 

Alice (nom d’emprunt) vit à Bujumbura, la capitale du Burundi. Bien que le gouvernement affirme que le pays fonctionne, son récit révèle une toute autre réalité. Entre pénuries et peur d’être dénoncée, elle décrit son quotidien dans une ville à genoux.

Alice: « Mon premier réflexe au réveil, c’est de vérifier les SMS et les tweets sur des incidents pendant la nuit. Il y a aussi des avertissements sur les possibles incidents pendant la journée, qui heureusement se révèlent parfois seulement des rumeurs.

Les plans de la journée se passent rarement comme on les a planifiés ! Les blocages sont aussi imprévisibles qu’inimaginables.

Par exemple, on part de chez soi mais on ne va pas loin : des policiers bloquent le passage parce qu’une autorité va passer par cette rue. Cela peut durer de quelques dizaines de minutes à plusieurs heures. Pour un retard en classe, au bureau ou à un rendez-vous « on a bloqué les routes » est une excuse valable et compréhensible par tous !

Arrivés au travail, on n’est pas à l’abri de surprises comme des coupures d’électricité ou d’Internet. Dans ces conditions, il est difficile de tenir les délais, ce qui fait qu’on est tout le temps sous pression. »

 

Pénurie de biens courants

« Partout, les produits importés sont en rupture de stocks, y compris les médicaments. Maintenant, quand un médecin prescrit une ordonnance, il indique directement trois ou quatre équivalents, parce qu’il sait qu’on ne trouvera peut-être pas le bon médicament en pharmacie.

Le cout des aliments a fortement augmenté ; le pain est devenu un luxe pour la majorité des familles. Même le sucre, pourtant produit au Burundi, est devenu rare parce qu’il est plus lucratif de l’exporter.

La pénurie de carburant aggrave le tout : les prix du transport grimpent, les prix les aliments suivent le même cours, les services fonctionnent au ralenti. Pour acheter du carburant, il faut parfois se rabattre sur le marché noir, où le litre coûte trois fois plus cher que la normale. »

 

Précarité économique

« Ma situation économique s’est dégradée, comme tout le monde. L’augmentation des prix et le manque de travail tarissent mes revenus. Alors que mes obligations en tant que parent restent les mêmes !

J’ai été obligée de prendre des décisions qui font mal, comme inscrire ma benjamine dans une autre école parce que l’ancienne coûtait trop cher. J’ai coupé l’aide à mes enfants qui sont à l’université, avec les conséquences que cela comporte pour leur réussite et leur moral.

Dans ces circonstances, impossible de mettre de l’argent de côté, nous n’avons donc aucune sécurité quant à l’avenir. Je vis dans la peur de tomber malade et de ne pas pouvoir aller travailler ! Pendant combien de temps survivrai-je ? Que faire pour améliorer la situation ? Autant de questions que l’on se pose sans trouver de réponses. »

 

Liberté muselée

« A Bujumbura, il faut faire très attention à ce qu’on dit ou fait. Chacun contrôle ses mouvements, ses fréquentations, les sujets de discussion, les quartiers à fréquenter ou pas. On ne se confie qu’entre petits groupes de gens « sûrs ».

Inversement, on est vite mal vu si on semble (à tort ou à raison) trop proche du pouvoir : la stigmatisation peut couter cher dans certaines situations.

La presse indépendante est presque inexistante au Burundi. Un nombre impressionnant d’organisations pro-gouvernement ont émergé depuis la crise. Elles véhiculent des messages venimeux sur les institutions onusiennes et les membres de l’opposition en exil. »

 

Violences quotidiennes

« Les fouilles à domicile sont courantes, voire quotidiennes dans certaines zones. Si on est fouillé, il vaut mieux ne pas poser de questions. L’unique option est de coopérer pour que ça finisse vite et éviter les problèmes.

Dans la rue, les violences policières ou des Imbonerakure* sont quasi-quotidiennes. Chaque jour que Dieu a créé, on trouve au moins deux personnes assassinées, sans compter les disparitions forcées. Il n’y a pas de couvre-feu officiel, mais il existe de fait partout dans le pays. Dans certains endroits, personne ne s’avise de sortir au-delà de 20h, au risque de se faire tabasser ou même assassiner. »

 

Les enfants, premières victimes

« J’ai tout le temps peur pour mes enfants, même les garder à l’intérieur est risqué : il y a toutes sortes de rumeurs sur des attaques dans les maisons.

Tous les parents vivent dans la même angoisse. Quand un enfant sort et que son mobile s’éteint, c’est la panique. Souvent des parents donnent l’alerte par SMS, craignant pour leur enfant parce qu’il n’est pas rentré à l’heure convenue. Une heure plus tard, un autre message de remerciement au bon Dieu arrive, parce que l’enfant est finalement rentré.

Ce quotidien provoque chez moi tantôt de la peur, tantôt de la révolte et la colère. Mais le sentiment qui domine, c’est la totale impuissance. Parfois je me demande pendant combien de temps nous pourrons tenir comme ça. »

 

* Les Imbonerakure sont une milice de jeunes proches du pouvoir. Ils ont souvent été accusés de meurtres, viols et autres atrocités contre les civils.

 

 

 

Un op-ed de Andras Schüller

Andreas Schüller est responsable du Programme crimes internationaux et responsabilité du ECCHR. Il est convaincu que la compétence universelle, en progressant, aide à exposer les domaines où l’impunité persiste.

2016 a vu la condamnation de l’ancien dictateur Hissène Habré au Sénégal – une victoire importante pour la compétence universelle. Cette affaire a montré que la justice est à portée de main et donné de l’espoir aux victimes. Le Sénégal a également joué un rôle essentiel pour la justice en Afrique en jugeant Hissène Habré conformément aux standards internationaux.

De plus en plus de pays sont en train de développer les infrastructures nécessaires, pour traduire en justice les crimes internationaux, par exemple des unités crimes de guerre. Les dénonciations de la société civile aux procureurs et l’indignation mondiale face aux atrocités, notamment en Syrie, ont aussi contribués à l’augmentation du nombre d’affaires.

Cependant, il reste des décalages importants entre les Etats en Europe et dans le monde, à la fois dans leur législation et dans leurs organes de poursuite. L’Allemagne a adopté un bon modèle. Il associe une unité crimes de guerre chevronnée (bien qu’insuffisamment financée) et une législation adoptant une compétence universelle « pure », c’est-à-dire que des enquêtes peuvent être ouvertes même contre des suspects résidant hors du pays.

 

Combattre les crimes des Etats puissants, des politiciens et des entreprises privées

Le principal défi reste de poursuivre les politiciens de haut niveau. Dans de nombreux Etats, aucune poursuite n’inquiète ceux qui ont mis en place les structures et les politiques qui conduisent aux crimes internationaux.

Le deux poids, deux mesures prévaut encore. Même quand les preuves sont solides, les Etats sont peu désireux de risquer la détérioration de leurs relations diplomatiques pour poursuivre des crimes graves. Par exemple, nous observons de grandes résistances dans les affaires contre d’anciens membres du gouvernement américain pour torture, ou contre les entreprises occidentales pour leur rôle dans les crimes internationaux.

 

En finir avec l’impunité en Syrie

ECCHR, en partenariat avec des victimes et des avocats syriens, a soumis une plainte en Allemagne contre les autorités syriennes pour torture. L’annonce du Procureur Fédéral d’ouvrir une enquête a été un moment très fort pour nos partenaires syriens. Pour la première fois, une autorité de poursuites reconnaissait leurs témoignages et leur expérience. C’était d’une grande importance pour eux étant donné l’impunité en Syrie, notamment pour les crimes commis par le gouvernement.

Même imparfaites, ces poursuites peuvent donner l’exemple aux autres pays, et notamment ceux où les crimes ont été commis. Ces affaires aident également à mettre en lumière des crimes peu rapportés, tels que les violences sexuelles ou le rôle des entreprises privées dans la réalisation de crimes internationaux.

Andreas Schüller, responsable du Programme crimes internationaux, ECCHR

 

Andreas Schüller est le responsable du Programme crimes internationaux du ECCHR depuis 2009. Il est diplômé de la faculté de droit de Trier (Allemagne) et détient un LL.M. en droit international public et en droit international pénal de l’Université de Leiden (Pays-Bas). Avocat inscrit au barreau de Berlin, Andreas Schüller travaille sur de affaires de torture et d’attaques de drone aux Etat-Unis, de torture en Irak, de crimes de guerre au Sri Lanka et en Syrie ainsi que d’autres affaires de crimes internationaux. Il donne des conférences et publie sur l’application du droit international pénal et des droits humains.

 

La Cour pénale internationale (CPI) fête ses 15 ans d’existence. Mais sans le soutien des organisations non-gouvernementales, elle n’aurait peut-être jamais existé.

En 1995, 25 organisations de protection des droits humains ont fondé la Coalition pour la Cour pénale internationale (la Coalition). Ces organisations ont poussé pour la création d’un organe permanent pour juger les plus hauts responsables de génocide, crimes de guerre et autres crimes internationaux.

Contre toute attente, le petit groupe a crû en taille et en influence. La Coalition comptait 800 organisations membres au début des négociations du traité fondateur de la Cour. Aujourd’hui, elle en compte plus de 2500.

 

Le mégaphone de la société civile

La Coalition est un réseau unique qui s’étend à travers 150 pays et inclut un grand éventail d’organisations. L’union fait la force : en mettant en commun leurs ressources, les organisations multiplient leur impact.

« Nous voulons donner le maximum de pouvoir à la société civile et permettre à toutes les voix d’être entendues sur la scène internationale », explique Niall Matthews, Directeur de la Communication à la Coalition.

 

Créer un consensus autour de la CPI

Avant même la naissance de la CPI, la Coalition a contribué à faire émerger l’idée d’une justice internationale permanente. Elle a démarché et sensibilisé les gouvernements jusqu’à la conférence fondatrice de la Cour à Rome, en juillet 1998.

Lors les Etats se sont réunis pour négocier le Statut de la Cour, la société civile représentait la plus importante délégation, avec près de 500 membres. Juristes, spécialistes des medias, activistes, tous offrent leur soutien aux Etats participants afin de rédiger le meilleur traité possible.

La Coalition a permis l’adoption d’éléments fondamentaux du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, comme les questions de genre et la protection des victimes et des témoins.

 

Un réseau pour informer et dénoncer

Aujourd’hui, la Coalition milite pour la ratification universelle du Statut. Elle cherche à convaincre les Etats de rejoindre la Cour – la Russie, les Etats-Unis, l’Inde et la Chine n’y sont toujours pas partie. Mais il est tout aussi important que les Etats-membres intègrent les dispositions du Statut dans leur droit national. En offrant leur expertise juridique, les ONG guident et conseillent les Etats pour que leur droit national soit conforme au travail de la Cour.

Les ONG aident également la Cour à rassembler des informations et des éléments de preuve, en particulier les organisations locales dans les pays où la Cour a ouvert des affaires. Elles veillent également à ce que les bénéficiaires (comme les victimes et les témoins) restent informés des procédures et de leurs droits.

Enfin, la Coalition est consciente des critiques opposées à la Cour. « Nous savons que tout n’est pas parfait en l’état actuel des choses, et nous cherchons des solutions pour rendre le système plus efficace, indépendant et accessible », conclut Niall Matthews.

 

TRIAL International est membre de la Coalition pour la CPI depuis sa création en 2002. TRIAL International était coordinatrice de la Coalition Suisse de 2004 à 2015.

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Genève, le 12 juillet 2017. Dans un arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral (TF) a renvoyé l’affaire devant les tribunaux genevois, sans se prononcer sur la culpabilité de l’ancien chef de la police du Guatemala. Les juges de Lausanne confirment au passage plusieurs points importants du dossier. 

Dans son jugement d’aujourd’hui, le TF exige l’audition de plusieurs témoins, dont la mise à l’écart a pu violer le droit de l’accusé à un procès équitable. Ce dernier sera donc rejugé par les autorités genevoises, qui entendront les témoins et rendront un nouveau jugement sur cette base.

Mais les ONG dénonciatrices (l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, la Communauté genevoise d’action syndicale, l’Organisation mondiale contre la torture et TRIAL International) soulignent que cette décision est loin d’exonérer M. Sperisen.

En effet, le Tribunal fédéral a rejeté la grande majorité des griefs formulés, en particulier sur des points fondamentaux de l’accusation. Les juges confirment ainsi que les détenus tués à la prison de Pavon ne l’ont pas été dans le cadre d’un affrontement armé. L’existence d’une liste de détenus à éliminer a également été retenue, tout comme la présence de membres d’un escadron de la mort sur les lieux du crime. Le TF retient également un indice important dans le fait qu’aucune enquête n’avait été ouverte suite à la mort de ces détenus.

« Ces éléments prouvent que l’exécution extrajudiciaire des victimes avait été planifiée à l’avance, ce que l’accusé a toujours farouchement nié », expliquent les ONG. « Pour les familles des victimes, cette reconnaissance est d’une grande importance. »

 

De longs mois d’attente pour les victimes

En mai 2015, Erwin Sperisen avait été condamné à la prison à vie par la Chambre pénale de la Cour de Justice de Genève pour l’assassinat de 10 détenus au Guatemala. Ses avocats avaient alors fait recours devant le Tribunal fédéral.

« Il est capital que tout procès respecte les droits de l’accusé », rappellent les ONG. « Mais pour les victimes, ce sont encore de longs mois d’attente. Malgré ce nouveau chapitre dans la procédure, elles gardent espoir et savent que la lutte contre l’impunité est un combat de longue haleine. »

Lire aussi :

L’affaire Sperisen en bref
Confirmation de condamnation pour Erwin Sperisen, la lutte contre l’impunité en sort renforcée

Genève, le 12 juillet 2017. Le Ministère public de la Confédération (MPC) a entendu deux victimes dans l’enquête visant Ousman Sonko. L’ancien ministre de l’Intérieur gambien est soupçonné de crimes contre l’humanité.

Il aura fallu plus de dix ans à Destiny (prénom d’emprunt) pour porter plainte contre Ousman Sonko. Victime de torture en Gambie, elle a enfin pu témoigner devant le MPC la semaine dernière, à Berne.

« J’étais si soulagée quand j’ai appris l’arrestation d’Ousman Sonko en Suisse », explique Destiny, « J’espérais vraiment pouvoir prendre part à la procédure. Cette affaire est ma première occasion de raconter mon histoire. J’ai besoin de justice pour tourner la page. »

Une autre victime a également voyagé depuis la Gambie pour livrer son témoignage. Elle aussi a été torturée alors que le suspect était en charge des services de sécurité.

« Ces personnes souffrent en silence depuis des mois, voire des années », explique Philip Grant, Directeur de TRIAL International. « Pour elles, l’ouverture d’un procès en Suisse représenterait une chance unique d’obtenir justice. »

D’autres victimes et témoins pourraient être entendues par le MPC, qui mène une enquête importante depuis l’arrestation d’Ousman Sonko en janvier 2017 (voir « L’affaire en bref » ci-dessous)

Pourquoi la Suisse est-elle compétente ?

Ousman Sonko est poursuivi en Suisse sur la base de la compétence universelle, qui oblige les autorités suisses à enquêter sur des suspects de torture et de crimes contre l’humanité présents sur son territoire.

Pour l’instant, aucune demande d’extradition n’a été transmise par les autorités gambiennes, qui ont déclaré vouloir collaborer à l’enquête des autorités suisses.

La Cour pénale internationale, elle, n’a pas ouvert d’enquête sur la Gambie. Elle n’est donc pas compétente pour poursuivre Ousman Sonko. Par ailleurs, la Cour ne tient qu’un rôle subsidiaire dans les poursuites pour crimes internationaux, c’est-à-dire qu’elle intervient uniquement quand les Etats ne peuvent ou ne veulent s’en charger eux-mêmes.

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L’affaire en bref

26 janvier 2017 : Ousman Sonko est arrêté en Suisse suite à une dénonciation pénale de TRIAL International pour des faits de torture. Au vu des soupçons qui pèsent sur lui, il est placé en détention provisoire. Lire la suite

6 février 2017 : Le Ministère public de la Confédération reprend l’enquête contre Ousman Sonko. Les crimes dont il est soupçonné sont requalifiés en crimes contre l’humanité.

Avril 2017 : Deux victimes gambiennes portent plainte pour des actes de torture.

 3 mai 2017 : Le Tribunal des mesures de contraintes de Berne prolonge la détention préventive de trois mois. La prochaine prolongation de la détention devrait advenir à la fin du mois de juillet. Lire la suite

Juin-juillet 2017 : Les deux victimes sont entendues en Suisse par le MPC.

Lire l’affaire complète

 

Un conflit aux portes de l’Europe. Des civils fuyant les attaques. Une communauté internationale incapable de les protéger. Des milliers de morts.

Alep en 2017 ? Non, Srebrenica en 1995.

Cette semaine, nous commémorons le plus grand massacre commis en Europe depuis la Seconde guerre mondiale. Le 11 juillet 1995, les Serbes de Bosnie menés par Ratko Mladic ont exterminé plus de 8 000 Bosniaques dans l’enclave de Srebrenica. La communauté internationale a assisté, impuissante, à la tuerie.

Les parallèles entre les situations d’alors et d’aujourd’hui sont tristement évidents. Malgré le leitmotiv traditionnel du « plus jamais ça » des cérémonies commémoratives, nous avons échoué – complètement échoué – à prévenir les crimes de masse depuis lors.

La Syrie offre un exemple évident et quasi-quotidien de notre inertie face à la barbarie. De nombreux autres conflits, moins médiatisés, n’en demeurent pas moins tragiques : le Sud-Soudan, la République démocratique du Congo, le Mexique et bien d’autres.

 

Pourquoi tant de crimes restent-ils impunis ?  

Non seulement nous n’avons pas su empêcher les crimes de masse, mais nous ne soignons pas non plus les blessures du passé. De nombreuses familles ne savent toujours pas ce qu’il est advenu de leurs proches à Srebrenica, tandis que les criminels courent toujours – voire sont encensés comme des héros nationaux.

Ces échecs sont d’autant plus choquants que les outils juridiques n’ont jamais été aussi nombreux. La justice internationale était embryonnaire quand la guerre a éclaté dans les Balkans. Mais vingt ans plus tard, nous avons mis en place deux Tribunaux pénaux internationaux, plusieurs cours mixtes et la première Cour pénale internationale permanente de l’histoire.

Les Etats ont également embrassé la lutte contre l’impunité et commencent à poursuivre les crimes internationaux dans leurs propres cours, grâce au principe de compétence universelle. Les systèmes nationaux ont évolué et mûri dans ce domaine et bien qu’imparfaits, ils peuvent constituer une voie vers la justice pour les victimes.

Les outils sont là, les systèmes sont en place. Pourquoi, alors, tant de crimes restent-ils encore impunis ? Sans surprise, la réponse est d’ordre politique.

 

« Plus jamais ça », une promesse qui sonne creux   

Le 11 juillet, de nombreux chefs d’Etat se souviendront de Srebrenica, pleureront ses morts et condamneront la passivité internationale. Ils useront et abuseront du « plus jamais ça ». Certains dignitaires iront peut-être jusqu’à blâmer les gouvernements actuels de l’ex-Yougoslavie de ne pas œuvrer davantage vers la réconciliation – et ils auront raison.

Mais combien de chefs d’Etat iront au-delà des regrets et des blâmes ? Combien dédieront le temps et les ressources nécessaires pour que les crimes de masse appartiennent au passé ?

Le nouveau mécanisme d’enquête sur les crimes en Syrie reste sous-financé. Les organisations de la société civile ont même dû lancer un crowdfunding pour le soutenir !  En Suisse, le Ministère public de la Confédération alloue des ressources totalement insuffisantes à la poursuite de suspects que nous savons être sur notre sol.

Ferons-nous aujourd’hui le nécessaire pour que la justice triomphe ? Ou nos futurs calendriers comporteront-ils toujours plus de journées commémoratives pour les atrocités que nous aurions pu empêcher ?